• L’égalité dans la Bible ou la recherche du bonheur perdu

    Un article d'Eric LEMAITRE

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    Zygmunt Bauman essayiste et sociologue a écrit un essai intitulé La vie liquide, un titre énigmatique nous en conviendrons. Le titre apparemment mystérieux est expliqué au fil des pages. Pour l’auteur, la vie liquide se caractérise à travers des êtres humains qui perdent tout repère, toute attache. Notre humanité selon l’essayiste est entrée dans un monde de confusion sans repères. Je cite l’essayiste : La spécificité essentielle de la société contemporaine est son caractère « liquide », c’est à dire : flexible, précaire, soumise à une évolution effrénée et perpétuelle, et dépourvue de « poteaux indicateurs » stables » solidement amarrés en quelque sorte, ou de phares susceptibles de guider les hommes en quête de vérité.

    Autrement dit cette société est caractérisée par le manque de socle, de repères : plus rien n’est en soi solide, consistant ; nous sommes dans une époque ballotée par les vagues idéologiques, une époque floue, de déconstruction et de relativisation, pire nous rentrons dans le règne de l’apostasie que décrivent les Ecritures. Notre époque délibérément a choisi de se tenir loin de Dieu.

    Nous sommes comme ballottés par des forces dogmatiques nous sommant de nous adapter en permanence, de nous imposer le LA de la pensée des idéologies post-humanistes.

    On nous impose une redéfinition de l’homme, un homme qui de plus est tenu de participer à la société d’hyper-consommation. L’esprit de consommation, « Je suis ce que je consomme », s’infiltre jusque dans les familles, dans les églises nous enfermant dans un état d’insatisfaction perpétuelle, de frustration. Artificiellement nous sommes persuadés de manquer. C’est le fantasme de la société moderne de nous laisser croire qu’il faut plus qu’un corps sain et en sécurité, le vêtement, le manger et le boire. Comme le précise le philosophe Gilles LIPOVETSKY, nous sommes dans une société qui exalte délibérément la positivité des nouveautés, des désirs et des jouissances, des voluptés à cueillir. (Gilles LIPOVETSKY Le Bonheur paradoxal Paragraphe l’envie neutralisée page 354 Folio Essais)

    Une société qui a également et parfois transformé les relations humaines les plus intimes en simples biens de consommation poussant l’homme à un bonheur finalement blessé et le conduisant à un degré de déréliction qui n’est que la traduction d’une profonde solitude morale sans Dieu.

    Nous finissons alors par perdre de vue l’essence des choses, le dessein même de la vie, les repères qui façonnent le sens de nos engagements, de nos activités, les motifs mêmes de l’existence.

    Lorsque nous observons la trajectoire de l’humanité dans son histoire, il semble que cette dernière soit dans ce souci quasi obsessionnel de réparer une injustice qui résulte d’un sentiment d’inégalité, cette obstination à combler le manque.

    Or sans doute, qu’une lecture de l’égalité ait été, dès l’origine de l’humanité faussée, résultant en somme d’une incompréhension de l’homme sur la nature même de la diversité, du métissage, de la variété de la complémentarité, de la richesse des différences.

    Le relief de l’univers fut préféré à un simple trait horizontal. Le cosmos n’est pas ainsi plat mais pluridimensionnel.

    Il nous semble dès lors essentiel de comprendre la matrice et l’essence même de la différence, de comprendre le choc qui s’en est suivi pour les civilisations dont certaines d’entre elles, submergées par le poids des idéologies totalitaires, ont parfois cherché à anéantir la différence religieuse, ethnique, culturelle. Aussi appréhender l’anthropologie biblique, la conception de l’homme telle que la Bible la conçoit nous parait essentiel pour analyser les dérives d’une déconstruction de l’homme tel qu’il est. L’altérité et la différence doivent être perçues comme des éléments de richesse nécessaires au bien commun et non perçues comme une injustice à réparer coûte que coûte.

    Ainsi, depuis son commencement, tout l’univers se caractérise par une prodigieuse, une incroyable diversité des éléments et des espèces, une anti uniformité. Le cosmos infini ne se propose pas comme un univers plat, parfaitement égalisé ; il semble à l’évidence que le relief fut préféré au trait horizontal. La création se présente dès lors comme un ensemble de matériaux riches de plusieurs dimensions, un univers composite, de formes multiples étonnantes et singulières. Le cosmos se définit à travers de multiples dimensions, un univers qui se manifeste à travers l’extraordinaire profusion, la variété des éléments et du vivant.

    Concernant les éléments, il est ainsi frappant d’observer la phénoménale diversité des cristaux de flocons de neige, cette architecture tellement diverse et symétriquement parfaite.

    Dans le vivant, comment ne pas s’émerveiller de l’aboutissement d’un homme en mesure lui aussi de penser l’univers puis de créer à son tour.

    Le livre de la Genèse offre d’abord une vision différenciée de la création. Du premier au sixième jour, Dieu crée d’abord les éléments (la lumière, la matière, la flore, la faune) puis les êtres vivants. La création se fait en plusieurs séquences dans une perspective inégalitaire.

    A ce propos, il existe une idéologie l’antispécisme qui s’oppose clairement à l’anthropologie Biblique et fait valoir une égalité en dignité et en valeur entre les animaux et l’humanité ; rien en l’espèce ne les différencie. Selon cette idéologie, l’homme créé rationnel ne se distingue pas de l’animal gouverné par l’instinct. Or la réalité telle que le récit du livre de la Genèse le rapporte est autre : les animaux ne sont pas de rang égal avec l’homme ; seule l’humanité a été créée à l’image de Dieu.

    Il y a une différence entre le minéral et le monde vivant, et une différence entre les êtres créés. Le monde vivant n’est pas seulement diversifié, il est conçu comme inégal.

    La caractéristique de l’Univers n’est donc pas l’uniformité : Les créatures ne sont pas mises à la même échelle, ne sont pas tous conçus de manière uniforme. Dieu ordonne, Dieu structure l’univers en partant du Tohu-Bohu de l’informe jusqu’à la forme parfaite portant l’identité même du Créateur : l’homme fait à son image. Oui, la forme parfaite conçue dans le monde vivant est ainsi l’homme : ce terreux, ce glaiseux, ce glébeux, infiniment petit à l’échelle de l’univers. Dieu l’a créé ainsi, à cette échelle, car sa conscience d’être ne doit pas être limitée à sa finitude.

    A propos de la différence, si l’apôtre Paul souligne? « Il n’y a plus l’homme et la femme » en Christ, il ne signifie pas que la foi effacerait la différence des sexes : Il souligne que le principe de la foi n’empêche pas la diversité et d’être tous faits à l’image de Dieu. Et il en va ainsi de toutes les autres diversités culturelles, religieuses ou sociales. La différence, l’altérité la complémentarité, n’empêchent pas que nous soyons tous faits à l’image de Dieu.

    Pourtant la pensée contemporaine dénie la différence entre les hommes et les femmes, dénie l’altérité, comme elle s’insupporte de la souffrance et du handicap. Elle est au point de créer de nouvelles catégories : demain il ne sera sans doute plus question de parler d’hommes et de femmes mais de genres et d’orientations sexuelles délibérément choisies.

    Méconnaissant l’amour et la justice de Dieu, l’humanité dans sa nouvelle religion anthropologique lit et explique le Cosmos selon un nouvel horizon géométrique : la seule horizontalité et de niveau égale. Dans cette nouvelle anthropologie, l’immense diversité des êtres est disposée sur un même plan. Tout s’entasse dans un champ matérialiste aux horizons incertains, aux contingences indéfinies. Du coup, le combat pour l’égalité se transforme en dogme de l’égalitarisme. La différence n’est plus alors valorisée. Quand on arase tous les épis d’un champ sur un même plan, la disparité comme la diversité apparaît comme une inégalité (l’épi le plus haut devient en soi insupportable).

    C’est donc un même mouvement consumériste et idéologique qui conduit, d’une part, à nier la différence substantielle entre les personnes et les biens et, d’autre part, à nier les diversités et la richesse des différences entre les hommes.

    Pour comprendre le dessein anthropologique tel qu’il transpire dans les écritures Bibliques, nous vous proposons de découvrir ou de redécouvrir les premières lignes de la Genèse.

    Du chaos à la séparation, de la séparation à la différenciation

    Peu avant que la lumière n’ait été créée, la Bible décrit un univers de chaos.

    Genèse 1 verset 2 : « La terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme…»

    Le chaos définissait l'univers avant l'intervention de Dieu. Le mot hébreu qui est employé pour décrire cet état de désordre est TOHU BOHU. En d’autres termes, le TOHU BOHU décrit un monde de confusion, d’indétermination. Tout s’entremêle ; ce qui précédait alors l’univers c’était un état de confusion et de désordre cosmique.

    Le premier acte ordonné par Dieu fut la lumière qui inonda la totalité de l’univers créé. Genèse 1 verset 3 : « Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. »

    Puis la Genèse relate la volonté du créateur de séparer les éléments entre eux, à commencer par les ténèbres et la lumière. Genèse 1 verset 4 : « Dieu vit que la lumière était bonne et Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres. »

    La création commença ainsi par une succession de séparations « L’informe/ Le créé, la terre / la mer, la nuit / le jour » puis de différenciations via la prodigieuse variété des minéraux, de la flore et de la faune, de la complémentarité des éco systèmes pour donner à l’univers une structure, une organisation qui préside à son harmonie. « Car Dieu n'est pas un Dieu de désordre, mais de paix… » (1 Corinthiens 14 : 33)

    De manière éclatante apparaît ce souci de sortir du chaos pour construire un univers ordonné, un univers structuré qui nécessite de sortir de la confusion, du tourment résultant de l’indifférenciation. Dieu démêle ce qui se confond, il distingue, classe, sépare la lumière des ténèbres.

    Aussi comprenons-nous l’injonction : Dieu s’est employé à distinguer ce qui n’est pas de même nature et avertit l’homme qui prendrait le risque de relativiser et de confondre ce qui est d’essence divinement différencié.

    Esaïe 5.20 : « Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal, Qui changent les ténèbres en lumière, et la lumière en ténèbres, Qui changent l'amertume en douceur, et la douceur en amertume ! »

    Face à un monde de relativisation, de changements effrénés, de perpétuelles évolutions qui se dessinent, la Bible nous renvoie à un socle permanent, stable, immuable. Il n’y a pas chez Dieu de l’inconstance, l’ombre d’une variation. « … Et Dieu ne change pas, il ne produit pas d'ombre par des variations de position. » (Jacques 1:17)

    Ainsi Jésus indique la force et l’immuabilité de la loi : il ne la fait pas disparaitre car elle constitue des poteaux indicateurs stables pour l’humanité dans son ensemble. Ces poteaux demeureront jusqu’à son avènement.

    Nous vous renvoyons au texte de Mathieu chapitre 5 versets de 5 à 17 où Jésus déclare explicitement : « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes ; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé. »

    « Le Monde que nous avons perdu » ou la recherche du bonheur originel

    Pour poursuivre et entrer ainsi dans le vif du sujet et touchant cette soif effrénée d’égalité, il nous semble à ce stade pertinent d’étayer notre réflexion en nous adossant à une fable politique qui sera riche d’enseignements.

    Cette fable politique que nous souhaitons vous narrer est La Ferme des animaux, un livre de George Orwell publié en 1945. Elle décrit une exploitation agricole dans laquelle les animaux se révoltent puis prennent le pouvoir, chassent les hommes à la suite de maltraitance, de la négligence de ceux-ci à leur encontre. Les animaux rêvent d’emblée de partage, de paix et d’égalité entre eux mais peu à peu s’installe un système totalitaire au point que certains animaux vont finir par s’octroyer des privilèges, ce qui fait dire à l’auteur du Livre, « tous les animaux sont égaux, mais certains le sont encore plus que d’autres. »

    Quel rapport avec le récit biblique ? C’est ce que je m’emploierai à vous partager et à vous faire découvrir dans ce qui suit...

    En regard de ce résumé rapide qui vous a été donné du livre de Georges Orwell, le chapitre de la Genèse est à tous égards, riche sur l’éclairage qu’il donne d’une des revendications les plus anciennes de l’humanité, à savoir l’égalité.

    L’un des passages les plus singuliers concerne le premier mensonge soufflé par le Serpent faisant miroiter à l’homme son égalité avec Dieu.

    « …mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal… »

    « Vous serez comme des dieux ». La problématique à cet instant fut pour l’homme de penser qu’il n’avait pas été comblé de manière entièrement satisfaisante et son cœur céda à la convoitise de connaitre ce qui, selon le Serpent, le conduirait à être davantage comblé.

    La recherche de cette égalité avec Dieu, de satisfaire également ce qui manque à notre cœur, s’est aussi transformée dans toute l’histoire de l’humanité par cette volonté de s’identifier, à se comparer aux autres, à revendiquer la possession des mêmes droits. C’est aussi la convoitise et l’envie de combler le sentiment d’un manque.

    Toute l’histoire de l’humanité est ainsi traversée par le besoin d’équité et la volonté coûte que coûte, comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, de réparer l’injustice, d’effacer le sentiment d’un fossé résultant d’un manque à gommer absolument.

    Or Dieu dès le départ de la création incarne la justice et l’amour. Le Diable lui trompe l’homme, montre ce qu’il n’a pas et lui fait espérer de façon fallacieuse un gain.

    A ce sujet, il est intéressant de découvrir à nouveau la lecture du livre de Gilles LIPOVETSKY que nous avons déjà cité, Le bonheur paradoxal, et de découvrir ce passage ou il évoque « le monde que nous avons perdu » : « Des normes sociales impératives existaient qui avaient charge de contenir le déchaînement des convoitises d’autrui. Il n’en est plus ainsi, à la différence de ces époques, les sociétés contemporaines ont fait sauter toutes les digues de protection, tout se passant comme si les mœurs hyper individualistes avaient réussi à nous affranchir de la peur immémoriale des passions envieuses » (Le Bonheur Paradoxal Gilles LIPOVESKY Folio essais Page 353). Au fond le récit de la genèse devient éloquent et souligne la problématique de la convoitise.

    Cette analyse de Gilles LIPOVETSKY rejoint un récit de la Genèse éclairant un autre aspect de l’envie qui est un marqueur originel de la rivalité au sein même de l’espèce humaine : le premier couple humain donne naissance à deux fils, Caïn, l'aîné qui cultive la terre et Abel qui est éleveur. Le premier offre à Dieu des fruits de la terre, le second des premiers-nés de son troupeau de moutons et leur graisse. Dieu regarde avec faveur Abel et son offrande, mais non pas celle de Caïn.

    Caïn en est irrité car il n’est pas traité de la même manière. Son offrande n’est pas perçue de manière égale ; Dieu le lui reproche, et l'invite à changer d'attitude. Cependant Caïn tue son frère dans un accès de jalousie, en se jetant sur lui alors qu'ils se trouvent aux champs (Genèse 4 : 3-8).

    Le livre de la Genèse montre également que le cœur de l’homme est taraudé par l’insatisfaction. Ainsi et à rebours de ce sentiment perpétuel d’insatisfaction, le Nouveau Testament souligne à contrario et travers les mots de Paul, la frugalité, la simplicité, la sobriété, la tempérance :

    « J’ai appris à être content de l’état où je me trouve. Je sais vivre dans l’humiliation, et je sais vivre dans l’abondance. En tout et partout, j’ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l’abondance et à être dans la disette. Je puis tout par celui qui me fortifie. » (Philippiens 4 : 11-13)

    La lecture des écritures bibliques recommandent à tout homme de se contenter de ce qu’il possède et d’appliquer ce principe à bon nombre de domaines de la vie. À une certaine occasion des soldats demandèrent à Jean-Baptiste : « Et nous, que devons-nous faire ? Il répondit : Ne commettez ni extorsion ni fraude envers personne et contentez-vous de votre solde. » (Luc 3, 14)

    C’est encore l’apôtre Paul qui exhorte Timothée en proclamant : « C’est, en effet, une grande source de gain que la piété avec le contentement; Car nous n’avons rien apporté dans le monde, et il est évident que nous n’en pouvons rien emporter; si donc nous avons la nourriture et le vêtement, cela nous suffira. Mais ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation, dans le piège, et dans beaucoup de désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car l’amour de l’argent est une racine de tous les maux ; et quelques-uns, en étant possédés, se sont égarés loin de la foi, et se sont jetés eux-mêmes dans bien des tourments. » (1 Timothée 6 : 6-10)

    Comme l’ont souligné d’autres sociologues, nous pourrions mentionner cette forme de fièvre compulsive, de stimulation sans fin des besoins si bien décrit par Gilles LIPOVETSKY et qui produit un état misérable de l’homme alors qu’il peut être dans l’abondance matérielle. (Le Bonheur Paradoxal Gilles LIPOVESKY Folio essais Page 172)

    Ce besoin de comparaison aux autres

    Le philosophe Jean-Jacques Rousseau s’est interrogé sur les inégalités parmi les hommes, sur l’origine du mal. La Bible et le philosophe ne partagent pas du tout le même point de vue et n’identifient pas la même origine. Pour Rousseau, c’est la société qui corrompt l’homme. Or les Ecritures affirment que le mal vient d’une autre source : la rupture de relation avec le Créateur. Nonobstant la Bible et le philosophe partagent en revanche un même constat : la vie en société comme dans nos églises amène les individus à se comparer les uns aux autres, à nous comparer parfois entre nous. Dans un texte de l’Evangile qui illustre parfaitement ce propos, nait une revendication entre les disciples pour savoir quelle place leur serait attribuée dans le ciel. La réponse de Jésus ne s’est pas fait attendre… « Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »

    Revenons si vous voulez bien au contexte et au récit que vous trouverez dans l’ensemble des évangiles (Mathieu 17 et 18  - Marc 9 : 30-50 ; Luc 9:46-48). Oubliant l’annonce de sa mort prochaine, Les disciples se reprirent à espérer que le royaume serait bientôt établi. Cette simple idée de voir le rétablissement du Royaume les pousse à se disputer pour savoir qui occuperait la première place. Un disciple finit par interroger Jésus lorsqu’il s’enquerrait de leurs échanges : « Qui donc est le plus grand dans le royaume des cieux ? »

    Jésus appela les disciples auprès de lui et leur dit : « Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Autrement dit, nous avons à embrasser le « statut d’ouvrier ». « Nous sommes ouvriers avec Dieu. » Telle est l’exhortation de l’apôtre Paul (1 Corinthiens 3 : 9).

    Nous voyons bien que ce chapitre de l’évangile très éclairant, nous parle de l’amour propre des disciples. Ah comme j’aimerais être comme untel ! Mais pourquoi ne m’as-tu pas traité comme Abel ?... Avoir ou occuper une place honorable finalement, et autant que possible la première ! Nous convoitons n’est-ce pas ? Nous oublions si vite cette exhortation : « Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »

    De là naît ce sentiment d’amour propre qui consiste à se préférer aux autres et nourrit le désir de tout faire pour gagner à tout prix leur estime.

    Comme l’écrit un auteur anonyme, « en nous préférant aux autres, ce sentiment exige aussi que les autres nous préfèrent à eux-mêmes…».

    L’amour propre transforme l’amour légitime, transforme l’égo en égoïsme calculateur qui menace l’ordre, la paix, la croissance spirituelle de l’assemblée.

    Chacun envie chez l’autre l’avantage qu’il n’a pas. “ Pourquoi lui et pas moi ? ”. Cette revendication qui résonne comme un cri d’injustice, conduit l’homme à manipuler son prochain sans scrupule comme un simple instrument pour satisfaire son ambition.

    Notre nature est bien faible… Ecoutons encore la recommandation de Jésus : « Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »

    Le philosophe Rousseau dénonçait les effets négatifs de la comparaison au sein de la société. Les récits bibliques proposent une méditation sur la trajectoire touchant l’histoire de l’humanité dans son ensemble : l’homme défiant Dieu en s’élevant jusqu’aux portes du ciel (le « mythe » de Babel) et aspirant pourtant à l’égalité portée par l’envie. Cette envie n’est finalement qu’une forme de tromperie. Les premiers chapitres de la Bible témoignent des problématiques que nous font courir les vanités de l’homme le poussant à conquérir une forme d’auto-puissance en construisant la tour de Babel et sa capacité à exprimer sa violence face à l’injustice qu’il prétend dénoncer, violence qu’incarnait Caïn, le frère d’Abel .

    Revenons à nouveau au chapitre 3 déjà commenté du livre de la Genèse. Nous comprenons que c’est la comparaison de l’homme avec Dieu, inspirée par le Serpent, qui suscite l’envie, le désir perverti. Le Serpent trompe l’homme et le conduit à considérer Dieu comme un rival, avide de garder son rang et de ne rien perdre de sa divinité…

    « Non, vous ne mourrez pas, mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux possédant la connaissance du Bien et du Mal. »

    Alors ne serait-ce pas encore cette démangeaison de la comparaison qui entraîne l’homme à revendiquer toujours plus d’égalité en criant à l’injustice devant les différences qui existent entre les hommes ?

    Au nom de l’égalité, l’humanité aspire à la fin de la différence et mêmes de toutes différences.

    La Bible est à rebours d’une telle conception de l’égalité?: chacun est son identité, chacun est unique, chacun se caractérise dans sa différence, chacun doit reconnaître que nous sommes tous image de Dieu et c’est dans cette image que nous sommes appelés à établir la relation entre frères et sœurs.

    A la fin des temps ce sont deux modèles, deux conceptions anthropologiques qui vont s’affronter.

    Ainsi la Bible ose proposer l’altérité comme une richesse sans trahir le fait que nous soyons en tout point semblable, sans être clonée, sans être répliqué de façon identique. La vision de la diversité, de la différence, de la complémentarité est ainsi de dessein divin.

    Ce dessein divin de la différence peut être ainsi lu dans la lettre de Paul aux Corinthiens.

    1 Corinthiens 12 : 1-30

    « Le corps est un, et pourtant il a plusieurs membres : mais tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps : il en est de même du Christ. Car nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit en un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et nous avons tous été abreuvés d'un seul Esprit. Le corps, en effet, ne se compose pas d'un seul membre, mais de plusieurs. Si le pied disait : "Comme je ne suis pas une main, je ne fais pas partie du corps", cesserait-il pour autant d'appartenir au corps ? Si l'oreille disait : "Comme je ne suis pas un œil, je ne fais pas partie du corps", cesserait-elle pour autant d'appartenir au corps ? Si le corps entier était œil, où serait l'ouïe ? Si tout était oreille, où serait l'odorat ? Mais Dieu a disposé dans le corps chacun des membres, selon sa volonté. Si l'ensemble était un seul membre, où serait le corps ? Il y a donc plusieurs membres, mais un seul corps. L'œil ne peut pas dire à la main : "Je n'ai pas besoin de toi", ni la tête dire aux pieds : "Je n'ai pas besoin de vous." Bien plus, même les membres du corps qui paraissent les plus faibles sont nécessaires, et ceux que nous tenons pour les moins honorables, c'est à eux que nous faisons le plus d'honneur. Moins ils sont décents, plus décemment nous les traitons : ceux qui sont décents n'ont pas besoin de ces égards. Mais Dieu a composé le corps en donnant plus d'honneur à ce qui en manque, afin qu'il n'y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient un commun souci les uns des autres. Si un membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est glorifié, tous les membres partagent sa joie. »

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  • Commentaires

    1
    Yves
    Vendredi 24 Janvier 2014 à 17:01

    Merci, d'annoncer clairement la base solide qui ne changera pas.

    2
    Philippe
    Lundi 27 Janvier 2014 à 19:52

    Très bel article !


    La partie Création / Univers est proche de Teilhard de Chardin.


    La fin de l'article selon Corinthiens est à considérer comme le Christ "alpha / oméga" de la création et la contenant toute. Un corps en "paix" est corps "harmonieux" ce qui rejoint le début de l'article et le commentaire précédent.


    Pour le reste, nous ne faisons que revivre ce que les civilisations précédentes ont vécue... la fin est connue. Les tentatives pour l'éviter doivent rester dans la vie d'humilité, de miséricorde et au service du plus petit d'entre nous. Tout réflexe identitaire ne ferait que générer de la violence psychique ou pas (sorte de volonté de domination en disant "que l'on est les meilleurs").

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