• L'excellence à contre-courant de l'égalitarisme

    Un article d'Alain LEDAIN faisant suite à celui sur Babylone

    L’égalitarisme induit par la démocratie fabrique des hommes et des femmes formatés, des « hommes et des femmes briques » tous formés sur le même modèle. (Les briques font référence au matériau utilisé à la construction de la tour de Babel.)

    Alors que la société arase, nivelle par le bas, le chrétien est appelé à l’excellence dans tout ce qu’il entreprend, à concevoir de nobles projets, à incliner ses pensées et son âme vers « tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l'approbation, ce qui est vertueux et digne de louange. » (Ph 4 : 8) L’Esprit de Dieu le « tire vers le haut » dans tous les domaines : spirituel, manuel, artistique, intellectuel, culturel…

    Il n’est donc pas étonnant que ce soient des chrétiens qui, aujourd’hui, alertent contre toutes les formes de laideur, d’uniformité, d’indifférenciation, d’abaissement dans les âmes… Sortir de Babylone, c’est aussi s’en démarquer par un style de vie différent, par une indépendance de la pensée par rapport à la majorité, par l’émergence d’hommes de grand caractère.

    Ainsi, il convient de tendre vers l’excellence en se gardant de ses formes dévoyées :
    - le perfectionnisme maladif qui paralyse ;
    - la compétition, la concurrence, la comparaison qui insécurisent.

    Il faut donc nous entourer d’hommes et de femmes d’excellence et se garder des eaux tièdes qui amollissent, engourdissent, endorment nos consciences et nous rendent en tout semblables les uns des autres. La télévision fait partie de ces eaux tièdes. Veillons, gardons les yeux ouverts.

    Pour cela, est-il parfois nécessaire d’aller au désert, nous qui le plus souvent sommes hyper-connectés…

    Je reviens sur la nécessaire émergence d’hommes de grand caractère[1].

    Dans son essai « démo(n)cratiquement vôtre », le romancier, essayiste et apologète chrétien C.S. Lewis[2] met en scène un vieux démon nommé Screwtape. Screwtape forme de jeunes démons et, dans un premier temps, regrette qu’il n’y ait plus de grands pécheurs invétérés.

    Dans un deuxième temps, il se ravise – et c’est ici qu’il faut être attentif ! Après tout, pense-t-il, cela vaut peut-être mieux car il y a un danger réel lorsque l’âme est capable de désir profond. Il sait que : « Les grands pécheurs (savoureux) sont faits du même matériau que ces horribles phénomènes que l’on appelle les grands saints ».

    Que l’on pense à Saul, persécuteur de l’Eglise, qui deviendra l’apôtre Paul, à Saint Augustin, jeune homme passionné, sexuellement licencieux, épris des plaisirs de Rome, « grattant la plaie de la luxure », qui deviendra un des principaux piliers de l’Eglise[3]. Aussi Screwtape dévoile-t-il la stratégie de l’ennemi : d’abord rendre les hommes plus faibles au moyen de petites passions et de désirs mesquins – voilà qui n’est pas sans faire pense à Alexis de Tocqueville –, se débrouiller pour que les hommes ignorent tout des grandes joies et des grandes douleurs.

    L’Eglise du XXIème siècle a besoin de grands saints et pour cela, elle a besoin d’hommes passionnés, d’hommes qui refusent de laisser mourir leur passion. Le chrétien qui préfère être « comme tout le monde » tuera ses passions et la substance même qui ferait de lui un héros de la foi. Un héros… un homme qui sort du lot, un homme qui refuse d’en rester à l’état de brique pour entrer dans une course, celle de la foi, non par orgueil spirituel mais par amour pour le Christ, par amour pour ses prochains.

    Lors d’une conférence, j’ai rencontré deux hommes de caractère : Gille Boucomont, pasteur de l’église réformée du Marais à Paris et Alexis Leproux, prêtre qui rassemblent des centaines de jeunes à Paris chaque semaine. Ils intervenaient ensemble sur le thème « Y a-t-il de bonnes recettes pour remplir les églises ? » Bien évidemment, remplir les églises ne tient pas à des recettes mais à des hommes (et au Saint-Esprit, bien sûr !) Ce qui m’a frappé, c’est le style de ces deux orateurs connaissant un grand succès dans leur ministère. L’un et l’autre de milieux différents (protestant et catholique) mais avec une caractéristique commune : d’être des hommes déterminés, d’être de véritables hommes… avec des paroles fortes, exigeantes ! Je me souviens encore de la poignée de mains d’Alexis Leproux, une poignée franche, ferme, une poignée qui vous redresse et vous fait tenir debout.

    L’égalitarisme freine l’émergence de tels hommes or l’Eglise en a besoin. Si nous ne voulons pas que l’ennemi réussisse dans sa stratégie, l’Eglise doit les susciter, faire sortir des paralysies, des léthargies induites par le conformisme.

    Même si les hommes et les femmes sont concernés, il m’arrive souvent de penser que cela passe par la restauration d’une saine masculinité… un vaste sujet que j’avais jadis abordé mais qui reste d’actualité. A méditer…


    [1] Repris et inspiré de l’article « L’homme perdu » : https://sites.google.com/site/paroissesaintpauldelaromanche/edito-quinzaine/l%E2%80%99hommeperdu

    [2] C.S. Lewis ( 29 novembre 1898 – 22 novembre 1963) est l’auteur des Chroniques de Narnia.

    [3] Propos sur Saint-Augustin repris de John Eldredge, « Les trésors du cœur » p.68 (Ed. Farel)

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  • Commentaires

    1
    rochat
    Mercredi 2 Octobre 2013 à 12:26

    BRAVO et merci pour cet excellent article !

    loin d'un anti-oecuménisme primaire....

    florian rochat

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