• La défaite de la raison - Un livre de Charles-Eric de Saint-Germain

    Le blog Ethique Chrétienne est heureux de vous annoncer la sortie du livre de Charles-Eric de Saint-Germain, La défaite de la raison - Essai sur la barbarie politico-morale contemporaine en mai 2015.

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    Quatrième de couverture

    La crise économique, morale et spirituelle qui secoue l'Occident est d'abord une démission de la raison éthico-politique. La politique actuelle s'avère incapable de poursuivre un Bien réellement commun qui excéderait la satisfaction des désirs de chacun.

    Cette éclipse de la pensée se reflète aussi au sein de l'espace public, où le conformisme idéologique régnant a exclu les conditions d'un débat démocratique digne de ce nom.

    Les différentes études proposées ici ont pour but de donner un éclairage sur l'actualité de notre temps : décomposition de la famille, dogme égalitariste, quête désenchantée du plaisir, retour d'un laïcisme intransigeant, restriction de la liberté de conscience, idéologie culturaliste qui sous-tend le féminisme
    et les Gender Studies.

    La démocratie tend à laisser la place à une médiacratie qui discrédite toute liberté de pensée authentique. Nourri et éclairé par un regard de foi, ce « cri d'alarme philosophique » nous met en garde contre les dangers d'un changement de civilisation qui, en niant les structures ontologiques du réel et en prétendant ouvertement se couper des racines juives et chrétiennes à l'origine de la culture occidentale, risque fort de replonger l’humanité européenne dans la barbarie libertaire et le chaos social.

     

    Charles-Eric de Saint Germain, ancien élève de l’ENS Fontenay-Lyon, agrégé et docteur en philosophie, est professeur de philosophie en hypokhâgne et khâgne.

    Il a notamment publié L'avènement de la vérité (L’Harmattan, 2003), Un évangélique parle aux catholiques (F.-X. De Guibert, 2008) et les Cours particuliers de philosophie en deux volumes (Ellipses. 2011 et 2012).

    Où l'acheter ?

    Sur le site de La Procure

    Sur le site de la FNAC, sur celui d'Amazon

    A la Maison de la Bible

    Entretiens de l'auteur

    A Info-Evangélique : Cliquez ici
    A la radio d4b : Emission « Chrétiens aujourd'hui » de la radio d4b

    Recension du livre

    “La Défaite de la raison” de Ch.-E. de Saint Germain : pour résister à la barbarie politico-morale contemporaine

    La table des matières

    Introduction
    La famille décomposée ou le « nouveau visage » de la barbarie politique moderne

    Chapitre 1
    Les impostures du « dogme égalitariste »

    L’idéal méritocratique et « l’élitisme républicain »

    La critique bourdieusienne de l’école et de l’idéologie méritocratique

    De l’égalité par la culture à l’égalité dans l’inculture

    Du nouveau libéralisme à la « théorie de la Justice » de John Rawls : variations libérales sur le principe de l’égalité des chances

    La critique socialo-marxiste du libéralisme : de l’égalité en droits à l’égalisation de fait des conditions

    La critique de l’égalitarisme strict et de l’individualisme démocratique : la montée de l'envie comme contrepartie de la « passion de l'égalité »

    Chapitre 2
    De la valorisation du plaisir aux désenchantements de l'hédonisme moderne

    Du monde grec au monde chrétien : petite histoire du plaisir à travers les âges

    L’usage des plaisirs et le statut des « aphrodisia » dans la Grèce antique selon Michel Foucault

    La vision du corps et la concupiscence de la chair chez Paul, Augustin et Pascal : le christianisme, un anti-hédonisme ?

    Le « puritanisme » et l’éthique conjugale : une morale austère qui suspecte nécessairement le plaisir ?

    De l’hédonisme utilitariste à l’hédonisme postmoderne : les impasses de la société de consommation

    L’hédonisme utilitariste et sa critique rawlsienne : l’éthique des conséquences et la morale de la « maximisation des plaisirs »

    Le libertinage et « l’art de jouir » : de l’hédonisme de la séduction à l’hédonisme de la consommation

    La tyrannie du plaisir selon J-C. Guillebaud : vers une « corvée de plaisir » ?

    Chapitre 3
    Refondation ou dévoiement de la laïcité ?
    Plaidoyer pour une laïcité ouverte et éclairée

    La laïcité, garante du pluralisme : liberté de conscience, liberté d'expression, liberté religieuse

    Les trois piliers laïques et les différents modèles de laïcité selon M. Milot

    Vers une laïcité ouverte : le processus de justification et « l’éthique de la discussion »

    Les avantages de la laïcité positive et de la réhabilitation publique des religions

    Questions et réponses afin de renouveler le « pacte républicain » dans le respect des croyances religieuses

    Chapitre 4
    La liberté de conscience ou le risque de la contestation

    Quelques grandes figures de la « liberté de conscience » en rupture avec la Tradition : Antigone, St Paul, Luther, Descartes

    Les limites de la conscience morale individuelle : le témoignage interne de la conscience est-il un « juge infaillible » ?

    De l’émancipation du droit vis-à-vis de la morale à l’analyse du cas Eichmann : les impasses du positivisme juridique et la nécessité d’une réhabilitation de la liberté de conscience

    La « clause de conscience » et les limites de l’éthique de la conviction : les maires et le mariage homosexuel

    De « l’objection de conscience » à la « désobéissance civile »

    Chapitre 5
    Les impasses de l'idéologie culturaliste : La révolution féministe et les Gender Studies

    Penser la différence homme-femme : le double écueil de la naturalisation de la différence et de la
    neutralisation des différences selon F. de Muizon

    L'émancipation féminine selon S. de Beauvoir et ses limites

    La construction culturelle des sexes : des « Gender Studies » à la « Queer Theory » de Judith Butler

    L'altérité fondatrice : la différence sexuelle comme donnée anthropologique indépassable

    Vers une phénoménologie du corps sexué : l'expressivité du corps comme signe de son humanité spécifique et le dépassement du dualisme « nature/culture »

    Conclusion
    De la démocratie à la médiacratie : la pensée confisquée

    Résumé

    Présentation du livre

    Introduction - La famille décomposée

    Partant des rapports entre « famille » et « société » tels que Jean-Paul II les expose, il s'agit de montrer tout d'abord que la famille constitue bien le fondement de la société, et que l'Etat doit respecter son autonomie et sa souveraineté, ce qui ne l'autorise à intervenir en elle, en vertu du principe de subsidiarité, que pour suppléer aux défaillances des parents, mais il doit aussi l'aider, du fait de sa fragilité, car il y va de la cohésion sociale que la famille garantit en tant que toute première communauté. Malheureusement, la contractualisation du mariage et l'individualisme galopant, qui tendent à méconnaître que le mariage et la famille sont des institutions qui dépassent le cadre de la volonté individuelle, ne peuvent que fragiliser toujours plus les familles, en conduisant à des « unions » purement contractuelles qui remettent en cause la véritable finalité du mariage, tout en dénaturant la famille. En outre, l'éclatement des familles a toujours constitué le ressort des totalitarismes, qui profitent de l'atomisation de la société et de la dissolution du lien familial pour imposer, par le biais de l'école, une idéologie aux enfants qui ne trouvent plus alors plus dans le terreau familial les « valeurs » susceptibles de s'opposer à la diffusion de l'idéologie dominante. Aujourd'hui, c'est à travers les nouvelles normes que l'Etat cherche à imposer en matière de sexualité que celui-ci viole le principe de subsidiarité, s'immisçant toujours plus dans la vie intime des individus, au point de faire de la famille, dans un proche avenir, une réalité entièrement « sociale », qui sera artificiellement construite et de plus en plus contrôlée par l'Etat.

    Chapitre 1 - Les impasses du « dogme égalitariste »

    I) La première étude est consacrée au « dogme égalitariste » . L'idéal méritocratique visait à établir l'égalité des chances, en faisant de l'école gratuite et obligatoire et de l'instruction publique le moyen permettant aux citoyens d'acquérir ce « savoir minimal » et cette culture commune qui leur permettront de participer intelligemment aux délibérations dans l'espace public. Pourtant, cet idéal jugé trop « élitiste » par certains, a conduit Bourdieu et ses disciples à dénoncer la reproduction sociale des élites grâce à l'Ecole, une Ecole accusée de ne pas permettre aux élèves venant de milieux défavorisés d'y réussir, le remède passant alors par une démocratisation massive de l'école et par le renoncement, du coup, à transmettre une culture « inaccessible » au plus grand nombre. Mais le résultat de cette politique, qui instrumentalise l'Ecole pour en faire une sorte de « laboratoire de la démocratie », semble plutôt d'avoir renforcé les inégalités scolaires car les élèves trouvent désormais dans leur milieu d'origine ou dans leurs réseaux d'amis et de relations cette « culture » que l'école se refuse désormais à transmettre, ce qui fait dire à François-Xavier Bellamy, dans son ouvrage sur Les Déshérités, que Bourdieu a finalement « créé l'Ecole qu'il dénonçait ».

    Il faut toutefois noter que cet idéal méritocratique n'est pas propre à la tradition républicaine française. Il était déjà au cœur du nouveau libéralisme, apparu dans la deuxième moitié du XIXè siècle, et qui faisait de « l'égalité des chances » son « leitmotiv ». Il s'agit ici, dans cette perspective libérale, de lutter contre les inégalités liées à la naissance et à l'origine sociale, afin de promouvoir une société où chacun sera récompensé pour ses seuls talents naturels, ne devant qu'à lui-même sa réussite ou son échec dès lors que la société a tout fait, en amont, pour que les chances de tous soient égales au départ de la course. Mais cet idéal méritocratique se heurte à une objection marxiste classique : peut-on considérer nos talents personnels comme des « mérites » qu'il convient de récompenser, sans omettre que les capacités naturelles, qu'elles soient physiques ou intellectuelles, ne sont aucunement méritées puisqu'elles proviennent de la nature et de ses « dons », et qu'elles ne mettent pas en relation le travail accompli avec l'effort fourni par chacun ? En outre, les talents et les mérites dits « naturels » ne sont-il pas trop déterminés socialement pour que l'individu puisse s'en attribuer la seule responsabilité ? Dès lors, la vraie justice ne devrait-elle pas lutter aussi contre ces inégalités « naturelles », qui sont des privilèges pour certains, et ne devrait-elle pas répartir les richesses en donnant plutôt à chacun « selon ses besoins », puisque l'on peut espérer que dans la société communiste (qui devait être une société d'abondance), les machines produiront suffisamment pour pouvoir subvenir aux besoins de tous ?

    Il est vrai que l'échec du communisme historique a infligé un cinglant démenti à cet idéal sans doute utopique, et c'est pourquoi le libéralisme social, prenant acte de cette impasse, ne cherchera pas tant à réaliser l'égalité matérielle des conditions qu'il ne cherchera à lutter contre les inégalités injustifiées. Rawls a bien montré qu'il y a des inégalités justes et justifiées lorsqu’elles profitent à tous, et permettent d’optimiser le sort des plus mal lotis. Cette solution a le mérite de concilier la liberté individuelle, valeur suprême des sociétés libérales, avec le souci de justice sociale, qui est au cœur du socialisme dans ce qu'il a de meilleur, et elle justifie par là même une redistribution des ressources, au nom d'une égalité équitable des chances qui permet d'éviter les dérives du néo-libéralisme de Nozick. Mais sans doute faudrait-il se demander aussi pourquoi Rawls estime que la réduction des inégalités, leitmotiv des sociétés égalitaristes, n'est pas une fin en soi. Outre qu'une telle « passion de l'égalité », en effet, peut fort bien être animée par des sentiments réactifs, comme l'envie et la jalousie, ainsi que le montraient déjà Tocqueville et Nietzsche, elle risque aussi de conduire, dans les faits, au sacrifice de la liberté elle-même (ce qui constitue le destin de toutes les sociétés égalitaristes), et à la paupérisation du plus grand nombre. Au final, un tel « égalitarisme » se révèle bien comme un dogme dangereux, car il méconnaît que l'inégalité et les rapports de domination qui existent entre les hommes sont le fruit de la nature corrompue de l'homme, qu'ils sont hélas le lot de notre humaine condition depuis la chute, en sorte qu'il n'y a guère qu'en Christ, moyennant la régénération de notre nature par le Saint-Esprit, qu'une certaine « égalité » est réellement possible, à condition toutefois de ne pas confondre cette égalité avec l'identité, c'est-à-dire avec une neutralité indifférenciée qui abolirait les différences, et à ne pas séparer cette égalité de la liberté et de la fraternité, qui seules peuvent lui donner tout son sens.

     

    Chapitre 2 - De la valorisation du plaisir aux désenchantements de l'hédonisme moderne

    II) La deuxième étude, consacrée à l'hédonisme et à la question du plaisir, s'efforce de remettre en perspective les grandes étapes de la manière dont l'Occident a envisagé le plaisir et ses différents usages. On sait que l'hédonisme antique n'a que peu de rapport avec les représentations qui lui sont traditionnellement associées, car l'idéal grec est un idéal de « sagesse » et de « mesure », qui vise à la maîtrise des plaisirs. Les « aphrodisia » renvoient moins à des actes permis ou défendus qu'à la distinction entre une sexualité maîtrisée ou contrôlée, et une sexualité débridée. Le christianisme, lui, va entraîner une profonde mutation dans la conception de l'hédonisme, en introduisant la notion de concupiscence et de péché au cœur même du sujet désirant, et en distinguant le permis du défendu. Pourtant, la doctrine chrétienne est beaucoup plus nuancée que les clichés qu'on en véhicule souvent. Loin de dévaloriser le corps, comme c'est le cas dans la gnose manichéenne, où le corps est vu comme la source du mal et du péché, l'âme devant alors se libérer de ce corps qui la retient captive des plaisirs charnels, le christianisme fait au contraire du corps une source de sagesse puisque il est, pour Paul, le « temple de l'esprit ». C'est donc plutôt dans les désirs corrompus de l'âme, ou du cœur, que se trouve la source du péché et de tous les excès, du moins si ce cœur n'est pas régénéré par la grâce de Dieu, alors que la satisfaction des besoins du corps (qu'il faut distinguer des désirs de l'âme), du fait qu'ils sont « mesurés », garantit l'équilibre de l'homme tout entier, être indissociablement corporel et spirituel, même si une discipline du corps s'impose pour atteindre « la perfection ».

    Il est vrai qu'en confondant le « corps » et la « chair » (une chair qui renvoie, chez saint Paul, aux œuvres de l'homme « charnel » par opposition à celles de l'homme « spirituel » ou régénéré), saint Augustin est à l'origine d'un malentendu qui continue d'hypothéquer la vision que beaucoup se font du christianisme, comme si celui-ci avait déprécié le corps au bénéfice de l'âme ou de l'esprit. Mais même l'augustinisme, et jusque dans ses prolongements « jansénistes », ne refuse pas le plaisir en lui-même puisqu'il montre, bien plutôt, que l'homme ne peut vaincre la concupiscence qui habite l'homme charnel qu'au prix d'un plaisir plus fort et plus puissant, celui de la « délectation » que prend l'homme spirituel dans l'accomplissement de la loi de Dieu. Pareillement, si le puritanisme protestant a souvent été assimilé, suite à la lecture que fait Max Weber de l'ethos du protestantisme, à une forme d'ascétisme intra-mondain, il s'agit, là encore, d'un « cliché », puisque le plaisir, pourvu que l'homme n'en devienne pas l'esclave, fait partie intégrante de l'agrément que Dieu a voulu pour la vie de l'homme, ce qui se vérifie particulièrement dans l'éthique conjugale puritaine, où l'amour sensuel est même exalté, car ce sont seulement la fornication et l'adultère qui sont condamnés.

    La modernité retrouvera, à travers l'utilitarisme de Bentham et Mill, le « calcul des plaisirs » qui était au cœur de l'hédonisme épicurien, faisant du plaisir maximal la fin de la vie morale. Il est vrai qu'à la différence de Bentham, qui n'envisage le plaisir maximal que sous sa forme quantitative, Mill distingue qualitativement les plaisirs, et nous invite à rechercher les plaisirs supérieurs, ceux qui sont conformes au sentiment que nous avons de notre dignité. Mais on peut reprocher à l'utilitarisme, à la suite de Rawls, de conduire à une « logique sacrificielle » qui nie la dignité de la personne humaine dans ce qu'elle a d'unique puisque dans une perspective politico-sociale, l'utilitarisme justifiera le sacrifice de certaines personnes si celui-ci contribue à augmenter le plaisir maximal du plus grand nombre d'individus.

    En réalité, il semble difficile de faire du plaisir la fin que vise la morale. D'abord parce qu'une existence centrée sur la seule quête du plaisir et de la satisfaction du désir, que ce soit dans un hédonisme de la séduction (comme c'est le cas de Don Juan), ou dans un hédonisme de la consommation (comme c'est le cas de l'homme postmoderne), ne peut conduire à un véritable épanouissement, mais elle peut seulement déboucher sur une « fuite en avant » dans une perpétuelle quête de nouveauté permettant d'éviter la lassitude et l'ennui qui menacent le désir. Mais surtout, en devenant une injonction impérative, le plaisir en finit même par devenir, dans nos sociétés qui valorisent le « culte de la performance » à outrance, une véritable « corvée » et une tyrannie d'autant plus aliénante qu'elle soumet le désir à une logique mimétique imposée, qui nous dépossède de ce qui devrait être l'expression de notre intimité la plus profonde, comme l'a bien vu J-C. Guillebaud.

    Chapitre 3 - Refondation ou dévoiement de la laïcité ? - Plaidoyer pour une laïcité ouverte et éclairée

    III) La troisième étude est consacrée à la laïcité et à ses dévoiements français. Fondée sur le principe de séparation de l'Eglise et de l'Etat, de neutralité de l'Etat démocratique et du respect de la liberté de conscience et d'expression, la laïcité est susceptible de donner lieu à de multiples aménagements en fonction de la manière dont on articule ces différents principes. La laïcité est pourtant souvent interprétée comme imposant le retrait de la religion en dehors de la sphère publique, ne permettant son expression qu'à l'intérieur de la sphère privée. Mais il s'agit là d'une conception très restrictive de la laïcité, qui oublie la double définition de la sphère publique : si l'Etat et ses institutions, en effet, doivent rester neutres, il n'en va pas de même de « l'espace public », qui doit bien plutôt rester ouvert à toutes les formes d'expression religieuses dans les limites imposées par le respect d'autrui et le maintien de l'ordre public. Ce caractère restrictif se manifeste aussi dans la confusion savamment entretenue entre liberté de conscience et liberté de choix : en réduisant la liberté de conscience à un choix opéré dans la sphère privée, on oublie que la véritable liberté de conscience est inséparable de la liberté de pratiquer et d'exercer sa religion, y compris dans l'espace public. En sorte que vouloir maintenir la religion dans la seule sphère privée, comme si le croyant devait abandonner ses convictions dès lors qu'il entre dans l'espace public, ne peut être vécue par lui que comme une forme de contrainte morale indue, qui méconnaît en outre que ses croyances informent toute sa manière de penser et d'agir, y compris lorsqu'il participe au débat public.

    Toute la difficulté, quand on cherche à penser une « saine laïcité », est donc de soumettre les convictions religieuses aux règles qui régissent la communication dans l'espace public, afin d'éviter que celui-ci ne fasse l'objet d'une colonisation par une religion qui chercherait à y imposer son hégémonie au mépris des autres croyances et convictions religieuses. Partisan d'un pluralisme religieux de l'espace public, Jürgen Habermas s'efforce d'ouvrir celui-ci aux croyances religieuses sous condition que le croyant puisse faire un « usage public » de sa raison, autrement dit qu'il soit capable de transformer ses « croyances » en « arguments » audibles par tous les partenaires de la discussion. Le processus de justification, auquel doivent se soumettre toutes les croyances religieuses, permet ainsi la participation de toutes les composantes sociales à la délibération publique, et rend possible du même coup une réconciliation fondée sur la raison : si tous les protagonistes de la discussion ne peuvent, en effet, s'accorder sur les « valeurs » qui doivent inspirer la décision politique, ni sur la vérité des convictions religieuses, un « consensus » par recoupement est néanmoins possible pour reconnaître la valeur de l'argumentation qui permet d'emporter la décision, quand bien même celle-ci serait contraire à mes croyances et à mes convictions.

    Cette participation des croyants et de toutes les composantes sociales à la discussion et à la délibération publique présente en outre du multiples avantages : d'abord, elle permet d'éviter le repli communautariste si décrié, qui se produit en général lorsque les croyants ont le sentiment que les convictions profondes qui les anime n'ont pas été véritablement prises en compte par le politique, ce qui ne peut que fragiliser le lien social lui-même, et conduire à des fractures de plus en plus importantes au sein de la société. Ensuite, elle conduit à la tolérance et à la pacification des croyances religieuses, en neutralisant le potentiel de violence qu'elles contiennent du fait de leur visée absolutiste, car la confrontation des croyances, lorsqu'elles se soumettent aux exigences de la raison publique, amènent celles-ci à se relativiser d'elles-mêmes, par une meilleure connaissance de la logique qui sous-tend les autres croyances religieuses. En outre, face à la crise des grands idéaux révolutionnaires et politiques et à l'effondrement des philosophies du sens et de la fin de l'histoire, elle permet de réhabiliter publiquement les religions, en tant que pourvoyeuses de sens. Cette réhabilitation publique des religions, à titre de « systèmes de croyances privées » (M. Gauchet), suppose que les religions ne sont plus l'ennemi de la démocratie, mais elles sont désormais dans la démocratie, ce qui signifie qu'ayant renoncé à imposer leur vision du monde, elles se présentent désormais comme une simple « proposition de sens » dans un monde pluraliste. Enfin, elle favorise l'engagement en faveur de la solidarité et de la justice sociale, car le sens du partage et de la communauté est souvent au cœur de la foi religieuse, alors que l'individualisme libéral conduit au désintérêt pour la chose publique, et à l'incapacité de se mobiliser pour une cause qui puisse transcender la sphère de ses intérêts privés.

    Chapitre 4 - La liberté de conscience ou le risque de la contestation

    IV) La quatrième étude est consacrée à la liberté de conscience et à ses récentes limitations et restrictions. En faisant de la légalité le seul fondement de la légitimité, et en évacuant délibérément toute référence au droit naturel, le « positivisme juridique » de Kelsen semble interdire toute protestation de la conscience au nom d'une source de légitimité supérieure au droit positivement institué dans les Etats. Pourtant, cette liberté de conscience semble être l'un des piliers de l'héritage humaniste occidental. Si Antigone, dans sa résistance à son oncle Créon, semble préfigurer le christianisme, c'est dans la mesure où celui-ci, grâce à saint Paul, fondera l'obéissance aux autorités instituées sur la ratification interne de la conscience (c'est « l'obéissance en conscience »), refusant ainsi de faire de la tradition le seul fondement de l'autorité des lois. De ce point de vue, Luther, qui substitue l'autorité des Écritures à celle de la tradition de l'Eglise au nom de sa conscience, ou Descartes, dans sa volonté de rompre avec la tradition scolastique pour refonder le savoir sur la certitude de la conscience, peuvent apparaître, à leur tour, comme des « héros » de la liberté de conscience, puisqu'ils refusent toute autorité extérieure et valorisent la nécessité d'un examen et d'une « appropriation » personnels comme étant la condition subjective de l'accès au vrai. Il est vrai qu'il faut se garder cependant de faire de la conscience un « juge infaillible », comme si celle-ci pouvait être la source du vrai. Le pape Jean-Paul II, dans son Encyclique Veritatis Splendor, nous met en garde contre cette tentation, et il nous rappelle à la suite de Paul que la conscience morale peut être erronée, car elle est elle-même soumise à de multiples conditionnements, en sorte que la sincérité et l'authenticité ne suffisent pas à garantir la justesse de ses verdicts. D'où la nécessité, selon lui, de fonder le jugement de conscience sur la garantie objective de la « loi naturelle », loi inscrite dans l'ordre créé, là où le protestantisme, qui prend davantage en compte l'altération de la création suite au péché, trouvera cette garantie objective dans l'éclairage de la conscience par le Saint-Esprit.

    La modernité, en émancipant la conscience de toute tradition reçue, a aussi supprimé la garantie objective qui rendait possible la contestation d'un ordre juridique, favorisant paradoxalement l'émancipation du droit par rapport à la morale et le renforcement d'un « légalisme » dont le positivisme kelsenien est l'aboutissement. Hannah Arendt a pourtant bien montré, à travers l'analyse du cas Eichmann, que le fait de ne pas reconnaître d'autre source de légitimité que les procédures légales qui conduisent à l'institution des normes, risque de justifier des actes aussi barbares que l'extermination des juifs par les nazis. D'où la nécessité, selon elle, de ne pas étouffer la « voix de sa conscience » par une soumission aveugle aux ordres reçus, une telle obéissance « sans conscience » témoignant de la banalité du mal, qui est toujours démission de la conscience et refus d'exercer un quelconque jugement critique.

    Il convient dès lors de s'interroger sur ce qui peut fonder la « désobéissance civique ». Cette question est d'une actualité brûlante à l'heure où l'on cherche à restreindre ou abolir la « clause de conscience » sur des sujets aussi brûlants que l'IVG ou le mariage des personnes homosexuelles. S'il nous semble inacceptable de s'opposer par la violence à une loi démocratiquement instituée, une démocratie digne de ce nom doit veiller à préserver la liberté de contester certaines lois au nom de sa conscience, et sauf à devenir insupportablement tyrannique, un Etat ne peut obliger un individu à commettre des actes que sa conscience réprouve pour des raisons qui, dans une situation d'incertitude, peuvent être comprises par tous, à défaut d'être partagées par tous (d'où la nécessité d'appliquer le « principe de précaution » à cette situation). S'il le fait, alors la « désobéissance civique » devient légitime, étant entendu que cette désobéissance est une liberté qu'il faut prendre quand elle nous est refusée mais elle doit être distinguée de « l'objection de conscience » et elle doit prendre des formes qui sont définies de manière suffisamment claires (acte intentionnel, relevant d'une attitude publique, s'inscrivant dans une dimension collective de nature non-violente, et visant à des fins novatrices qui s'appuient ses des principes supérieurs) pour qu'on ne la confonde pas avec une simple contestation juvénile ou anarchiste de l'ordre établi.

    Chapitre 5 - Les impostures de l'idéologie culturaliste : la révolution féministe et les Gender studies

    V) La cinquième et dernière étude est consacrée à la nouvelle politique des sexes, c'est-à-dire au féminisme et aux Gender Studies. La différence des sexes est devenue de plus en plus difficile à penser aujourd'hui, car sous l'impulsion du féminisme, les femmes se sont progressivement émancipées des « stéréotypes culturels » figés dans lesquels la tradition patriarcale s'était efforcé de les enfermer. Les travaux anthropologiques de Margaret Mead sur certaines tribus océaniques semblent montrer qu'il n'y a pas de nature féminine ni de nature masculine qui nous assigneraient des rôles déterminés, ce qui amènera Simone de Beauvoir à affirmer que l'on ne naît pas « femme », mais qu'on le devient. Pourtant, malgré la part de vérité contenue dans cette affirmation, il semble que l'émancipation féminine, accompagnée d'une féminisation progressive de la société, ne fasse en réalité que renforcer la domination de la norme masculine, car le féminisme ne parvient à concevoir cette « libération » que par imitation d'un modèle qui reste masculin, d'où la tendance actuelle de la société à proposer deux images opposées de la femme (celle de la femme-objet et celle de la femme-libérée) qui ne sont que les deux faces masculines d'une même médaille, et révèlent la difficulté de la femme à trouver son équilibre dans la société actuelle, et celle de l'homme à se repositionner face à l'évolution de la condition féminine.

    C'est pourtant sur la dénonciation de cette part de « construction » que repose les Gender Studies. Cette théorie est à l'origine une théorie « médicale » et psychologique visant à montrer que l'identité sexuelle de l'individu (le Genre) est une assignation éducative qui ne doit rien au sexe anatomique de l'individu (le sexe), même si elle ne conteste pas encore la norme sociale dès lors qu'elle s'intéresse surtout à des cas reconnus pathologiques. Avec le moment féministe des Gender studies, il s'agit désormais de déconstruire la norme masculine qui structure la répartition des tâches dans la société, en montrant qu'elle est arbitrairement et culturellement instituée par les hommes pour renforcer leur domination et leur pouvoir, bien qu'elle se fasse passer pour « naturelle ».

    Ce n'est qu'avec la Queer Theory de Judith Butler que les Gender Studies vont se radicaliser, en affirmant que c'est l'hétérosexualité elle-même qui serait une convention sociale arbitrairement adopté par mimétisme dès le plus jeune âge. Le temps serait désormais venu de déconstruire la norme hétérosexuelle, qui nous impose le désir de l'autre sexe, pour le libérer de toutes les identités réifiantes que le langage suscite artificiellement pour mutiler ceux qui ont une sexualité créatrice.

    La thèse de Butler se heurte néanmoins à de multiples difficultés, qui sont aussi celles du culturalisme en général et du féminisme. Elle méconnaît, notamment, que l'identité sexuelle n'est pas une simple construction culturelle, car elle s'enracine dans le corps sexué ; celui-ci n'est pas un substrat neutre, un « vêtement », il fait déjà signe de notre humanité, notamment par sa « capacité expressive », comme l'a bien montré Merleau-Ponty. Il faut donc préférer au dualisme platonicien du Phédon le monisme aristotélicien, qui affirme l'unité indissociable de l'âme et du corps en l'homme, tout en intégrant l'autonomie du corps qu'Aristote négligeait. En d'autres termes, si le corps ne détermine pas notre identité sexuelle, il est néanmoins une « proposition de sens » qui trace une orientation et une direction à la culture, laquelle a pour vocation de s'appuyer sur ce donné signifiant pour le porter à une « expression » qui sera certes toujours particulière, selon la culture d'appartenance qui est la nôtre. En dépassant l'antinomie « naturalisme / culturalisme », on comprend alors que la véritable liberté n'est pas de s'arracher à la nature pour choisir et construire son identité, ni d'être prisonnier d'un « destin biologique », mais c'est de répondre, dans l'assomption culturelle de ce donné naturel, à sa vocation d'homme ou de femme – une vocation dont la complémentarité, inscrite dans notre chair, est voulue par l'auteur de la création.

    Conclusion - De la démocratie à la médiacratie : la pensée confisquée

    En tant que « quatrième pouvoir », les médias ont souvent été conçus comme les garants du jeu démocratique et comme l'instrument d'une « démocratie de contrôle », favorisant aussi bien la représentation de l'opinion publique que la possibilité de surveiller les pouvoirs. Pourtant, le quatrième pouvoir est aujourd'hui devenu le premier, il n'est plus un contre-pouvoir aux trois pouvoirs traditionnels (exécutif, législatif et judiciaire), mais il tend à soumettre le politique aux règles de la communication médiatique, tout en façonnant l'opinion publique et la réalité, alors que sa vocation initiale était plutôt de favoriser l'émergence de celle-là et d'informer sur celle-ci. Tocqueville, au XIX e, avait déjà anticipé cette dérive lorsqu'il dénonçait l'emprise que le « pouvoir social » finirait par exercer sur l'individu car plus l'individu refuse toute hiérarchie, plus il est disposé à croire l'opinion commune, et à s'en remettre à elle. Cette uniformisation de la pensée et des modes de vie est dramatique pour l'avenir de la démocratie, en tant que régime fondé sur le débat, les tensions et les contradictions. Elle se traduit aujourd'hui par l'emprise de l'image audio-visuelle, qui annihile la réflexion et humilie la parole, et par l'uniformisation de l'information ce qui, conjugué à l'absence croissante d'autonomie du champ journalistique, favorise l'émergence d'une nouvelle forme inédite de « censure ». Celle-ci n'interdit plus d'exprimer ses pensées, mais elle finit par rendre insignifiant tout discours « sensé », en privilégiant le « bavardage médiatique » auto-référent et le « succès » (mesuré en termes d'audimat), à un discours signifiant et enraciné dans la vérité de l'être.

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  • Commentaires

    1
    Jean-Eric
    Mardi 28 Avril 2015 à 11:21

    Un livre attendu .... d'une dimension réflexive, une pensée nécessaire dans un monde qui déconstruit les repères ... ! Merci à son auteur pour son intelligence qui a été mise au service de la foi ... Un livre qu'il faut lire pour comprendre les enjeux idéologiques qui se dessinent,  idéologies qui abîment l'homme, le beau, le bien et le vrai, idéologies qui naissent dans les abîmes de l'obscurantisme et du vide...et  "C'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal. »

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    2
    Valérie Maréchal
    Jeudi 14 Mai 2015 à 16:58

    Voici un livre dense, fouillé, brillant. Extrêmement instruit et enraciné dans une culture vivante, jamais assénée et toujours finement mise au service d'une réflexion exigeante, critique et personnelle, il est aussi passionné, courageux et engagé : à mille lieux de l'actuelle idéologie consensuelle de la "pensée" unique, il est clair et éclairant, à lire, relire et étudier. Son intérêt est politique autant que philosophique : il analyse avec beaucoup de pertinence les idéologies contemporaines dont -fait rare et appréciable à notre époque- il retrace le processus, l'histoire. Si nous nous engageons dans l'exigence que requiert sa lecture, ce livre qui refuse toute langue de bois sera bienfaisant : il donne un souffle et une respiration à une France qui s'égare dans la facilité, la dérision, et l'indifférence aveugle.

    3
    Jeudi 15 Octobre 2015 à 20:56
    Bonsoir, Je me permets d'exprimer un commentaire divergent. Le résumé de «La défaite de la raison» paru dans « Construire une éthique sociale chrétienne" étant très complet, je ne lirai pas ce livre. Ce livre est certes très intéressant car il aborde la plupart des questions éthiques actuelles, mais de manière très (trop) engagée chrétiennement à mes yeux. Charles-Éric de Saint Germain me semble en effet marqué ad vitam par la croyance religieuse, a priori catholique de sa famille (bien qu'il soit devenu protestant évangélique, religion qui n'est apparue en France que vers 1967, son année de naissance). Il défend unilatéralement son point de vue évangélique, forcément traditionaliste et prosélyte, comme s'il évitait de devoir remettre ses certitudes en question. Je le regrette au nom de l'honnêteté intellectuelle. Charles-Éric de Saint Germain écrit que l'État doit « respecter l'autonomie de la famille et sa sauvegarde », mais cela me semble en contradiction avec le droit qu'il reconnaît à l'État « d'intervenir pour suppléer à certaines défaillances des parents ». Je constate d'ailleurs que l'État s' en abstient toujours, coincé qu'il est, tant en France qu'en Belgique, par la totale liberté constitutionnelle d'éducation et d'enseignement, même dans le cas de familles musulmanes fondamentalistes, notamment. La conception traditionaliste de l'auteur à propos de « la dimension institutionnelle du mariage et de la famille » va à l'encontre de la liberté individuelle. Dans le premier chapitre, en accord avec Pierre Bourdieu, notre philosophe constate que « la démocratisation massive de l'école renforce les inégalités sociales », mais il ne semble pas prendre en considération le fait que l'élitisme socio-culturel de l'enseignement confessionnel favorise encore plus les inégalités scolaires. On est encore loin d'un enseignement individualisé et gratuit qui permettrait aux élèves défavorisés par leur milieu socio-culturel (et aussi aux sur-doués) de développer leurs potentialités. Dans le deuxième chapitre, l'auteur condamne l'hédonisme et prétend défendre « le judéo-christianisme, inventeur de la catégorie de péché », en faisant du « christianisme une religion de l'incarnation qui réhabilite le corps en faisant de lui le temple de l'Esprit ». La « source du péché »ne me semble pourtant ni dans le corps, ni dans le cerveau, ni dans l'esprit, et encore moins dans « l'âme », mais bien selon moi dans la carence d'une éducation humaniste développant une conscience morale autonome et responsable, plutôt que soumise à une religion. Dans le troisième chapitre, Charles-Éric de Saint Germain ne voit pas que « la séparation des Églises et de l'État, la neutralité de l'État et le respect de la liberté de conscience et d'expression » ne sont que symboliques. La liberté de conscience et celle de religion, n'existent évidemment que si les alternatives, notamment non confessionnelles, n'ont pas été occultées par les religions. En vertu de la liberté d'expression, la laïcité n'impose pas « le retrait de la religion en dehors de la sphère publique ». La reléguer dans la sphère privée est nécessaire mais insuffisant si l'on veut un jour compenser par l'école, devenue enfin pluraliste, les influences religieuses unilatérales, communautaristes, intolérantes et incompatibles avec le meilleur vivre ensemble possible. Dans le quatrième chapitre, l'auteur évoque Habermas qui souhaite que les croyants fassent « un usage public de la raison », mais cela me semble impossible parce qu'ils privilégient leur cerveau émotionnel plutôt que rationnel. « Transformer une croyance en argument » constitue, selon moi, si pas un oxymore, du moins une tentative de rationalisation a posteriori pour la rendre intellectuellement acceptable. Les jésuites y excellent ... Je pense enfin que « la pacification des croyances religieuses » est utopique, à cause de la prétention de chacun des trois monothéismes d'imposer, à terme et à des degrés divers, sa « Vérité » au monde entier. L'actuelle confrontation entre-eux, en Israël et ailleurs, ne fera hélas que s'amplifier dramatiquement ... Je pense que cela durera au moins pendant plusieurs générations encore, jusqu'à ce l'on comprenne enfin que l'être humain naît « a-thée » et que les dieux n'existent que dans la tête que si les religions les y ont mis pour maintenir leur domination sur les consciences. Je crains donc que la prochaine guerre mondiale soit plus religieuse que politique et économique... Mais ce ne sont là que les modestes cogitations d'un ancien croyant, protestant « libéral », athée depuis plus de cinquante ans. Mais j'apprécie l'échange de points de vue différents. Merci donc pour vos réactions éventuelles, courtoises s'entend. Cordialement, Michel THYS
      • de Saint Germain
        Vendredi 16 Octobre 2015 à 17:42

        En tant qu'auteur du livre La défaite de la raison, je réagis (sans doute un peu rapidement, faute de temps...) au propos précédent de Michel Thys. Tout d'abord, je trouve très regrettable de s'exprimer sur un livre "qu'il ne lira pas", se contentant d'un simple résumé qui ne donne que quelques "grandes lignes" du livre, sans entrer dans le détail de l'argumentation et des analyses (ce qui n'est pas la fonction d'un résumé). Ce simple fait (je "critique", mais sans avoir "lu" le livre...) suffit à mon sens à disqualifier les propos tenus, car "au nom de l'honnêteté intellectuelle" (pour reprendre une de vos expressions), on ne peut porter un jugement "éclairé" sur un livre qu'on n'a pas lu ! Passons... Comme le souligne l'auteur, je suis un catholique devenu évangélique, preuve a contrario que je ne suis pas marqué "ad vitam" par ma croyance religieuse reçue de mon éducation, puisque j'ai pris explicitement mes distances avec elle. Je suis plutôt ce que j'appellerai un "converti", qui a fait personnellement l'expérience de la "nouvelle naissance" (expérience qui, j'en conviens, est une "grâce" qui n'est pas donnée à tout le monde). Il n'y a aucune contradiction entre l'affirmation de l'autonomie de la famille et l'intervention de l'Etat puisque si vous aviez lu le livre, vous sauriez que je défends le "principe de subsidiarité" : l'Etat intervient pour compléter l'instruction et l'éducation des enfants (ce n'est pas une violation des droits de la famille : si les parents sont les premiers éducateurs des enfants, ils ne sont pas les seuls !) et il ne peut intervenir dans la famille que pour suppléer aux défaillances des parents. Que j'aille à l'encontre de la liberté individuelle s'explique parce que je critique une liberté individuelle qui ne se reconnaît que des droits et pas de devoirs. une telle liberté, à mon sens, ne peut à terme que détruire la famille et faire le lit du totalitarisme, comme je le montre par la suite en reprenant les analyses d'H.Arendt dans le Système totalitaire. Un individu ne peut avoir que des droits sans se reconnaître aucun devoirs, or la contractualisation du mariage tend à valoriser une liberté qui refuse tous devoirs et conduit en réalité à une déresponsabilisation, ce qui est l'inverse de l'idée que je me fais de la liberté, car il n'y a pas de liberté authentique sans responsabilité ! Votre critique sur les "inégalités scolaires" et la distinction "école privée" / "école publique" est juste, mais elle n'entre pas du tout dans le cadre de mon propos : ce que je m'efforce de montrer, c'est seulement que la démocratisation massive de l'enseignement conduit à l'inverse de l'idéal recherché : en abaissant les exigences à l'école, celle-ci ne permet plus aux enfants venant de classes défavorisés d'y réussir, car si l'école ne transmet plus la culture nécessaire à la réussite, alors ce sont les élèves des milieux favorisés, bénéficiant de cet apport culturel dans leur propre milieu social, qui réussiront. Les chiffres semblent me donner raison : plus l'école était élitiste et méritocratique, plus elle rendait possible une réelle mobilité sociale, plus elle prétend se démocratiser, plus les inégalités scolaires semblent se renforcer. Sans doute l'erreur est-elle de croire que l'école devrait être un "laboratoire de la démocratie" destiné à réduire les inégalités sociales, alors que ce n'est nullement sa fonction ni sa mission : celle-ci est de former un jugement critique et éclairé, et de transmettre la culture qui rend possible celui-ci ! Sur le deuxième chapitre (là encore, vous parlez forcément de manière très vague, faute d'avoir lu le livre : vous verriez, si vous le faisiez, que les choses sont infiniment plus complexes que la reprise rapide que vous en faites...), vous semblez ne pas voir que c'est l'individualisme que vous défendez qui conduit en réalité à une "déresponsabilisation", alors que la religion juive aussi bien que chrétienne (lisez Levinas à ce sujet) a toujours tenu, au contraire, à insister et à valoriser sur la responsabilité humaine, la capacité à répondre de ses actes et de ses choix ! Que certains croyants refusent d'assumer leurs responsabilités, c'est un fait, mais cela ne met pas en cause l'appel permanent que Dieu nous lance à être des individus responsables de leurs choix. Or l'individualisme (lisez Tocqueville à ce sujet, que je cite souvent dans mon libre) conduit bien plutôt à une déresponsabilisation : l'homme devient un individu passif et soumis au "dictat" de ses désirs - un désir d'autant plus tyrannique (cf Guillebaud) qu'il n'en est nullement l'origine puisque celui-ci lui est imposé de l'extérieur par la société de consommation, dans une logique mimétique qui conduit en réalité à une véritable aliénation de sa personnalité.  Sur la laïcité, vous verriez là encore, si vous aviez lu le livre, que je défends vigoureusement la loi de 1905, que je suis partisan d'un "pluralisme religieux de l'espace public" (incluant l'athéisme) et que je défends ce pluralisme au nom même de l'idée qu'on ne peut choisir que ce que l'on connaît, ce qui est la condition d'un choix libre et authentique, alors que le refoulement de la religion dans la sphère privée conduit à ne laisser d'autre choix à l'individu que celui du "conditionnement" de sa confession d'origine. Quand vous dites ensuite que les croyants privilégient le cerveau émotionnel plus que rationnel, excusez-moi du peu, mais vous ne faites que manifester un peu plus votre inculture, tant philosophique que théologique. Je ne vous ferai pas l'insulte de vous rappeler que tous les plus grands philosophes (Descartes, Pascal, Leibniz, Kant, Hegel, Kierkegaard, Bergson, Levinas, Ricoeur, et j'en passe bien d'autres) et la plupart des grands savants étaient tous croyants, bien qu'ils savaient aussi argumenter avec leur raison. Personnellement, j'aimerai bien voir une telle "palette" chez les athées, mais il n'y en a pas ! Vous avez manifestement tendance à projeter votre propre expérience chez les évangéliques (manifestement mauvaise) sur l'idée même de croyance religieuse, mais veillez à ne pas faire de généralisations hâtives si vous ne voulez pas vous ridiculiser un peu plus. Pour la pacification des croyances religieuses, c'est effectivement un "pari", mais je pense que cette rationalisation a déjà eu lieu dans la théologie chrétienne et arabe : si chaque croyant faisait l'effort de de s'approprier réellement sa propre tradition religieuse, comme l'ont fait les philosophes chrétiens (que je cite plus haut) où les philosophes arabes (comme Averroès et Avicenne), nul doute qu'il y aurait moins de problèmes et moins de fanatisme, masi le fanatisme vient précisément de la tendance à absolutiser sa propre foi, alors que j'invite au contraire les croyants à argumenter leurs convictions par une formation philosophico-théologique, ce qui aidera chacun non pas à relativiser ses croyances (car c'est impossible) mais plutôt à relativiser l'expression de celles-ci, rendant possible un véritable dialogue au sein de l'espace public. Vous êtes libre de croire ce que vous souhaitez, et je ne cherche pas ici à vous convaincre de quoi que ce soit, mais il ne sert à rien de poursuivre ce dialogue si vous n'avez pas lu le livre. Par contre, je suis prêt à poursuivre la discussion lorsque vous l'aurez lu, si du moins vous avez des remarques plus pertinentes à formuler, car sincèrement, celles-ci ne le sont guère, même si j'ai quand même fait l'effort de rectifier les erreurs contenues dans votre "critique".

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    de Saint Germain
    Vendredi 16 Octobre 2015 à 16:17

    En tant qu'auteur du livre La défaite de la raison, je réagis (sans doute un peu rapidement, faute de temps...) au propos précédent de Michel Thys. Tout d'abord, je trouve très regrettable de s'exprimer sur un livre "qu'il ne lira pas", se contentant d'un simple résumé qui ne donne que quelques "grandes lignes" du livre, sans entrer dans le détail de l'argumentation et des analyses (ce qui n'est pas la fonction d'un résumé). Ce simple fait (je "critique", mais sans avoir "lu" le livre...) suffit à mon sens à disqualifier les propos tenus, car "au nom de l'honnêteté intellectuelle" (pour reprendre une de vos expressions), on ne peut porter un jugement "éclairé" sur un livre qu'on n'a pas lu ! Passons... Comme le souligne l'auteur, je suis un catholique devenu évangélique, preuve a contrario que je ne suis pas marqué "ad vitam" par ma croyance religieuse reçue de mon éducation, puisque j'ai pris explicitement mes distances avec elle. Je suis plutôt ce que j'appellerai un "converti", qui a fait personnellement l'expérience de la "nouvelle naissance" (expérience qui, j'en conviens, est une "grâce" qui n'est pas donnée à tout le monde). Il n'y a aucune contradiction entre l'affirmation de l'autonomie de la famille et l'intervention de l'Etat puisque si vous aviez lu le livre, vous sauriez que je défends le "principe de subsidiarité" : l'Etat intervient pour compléter l'instruction et l'éducation des enfants (ce n'est pas une violation des droits de la famille : si les parents sont les premiers éducateurs des enfants, ils ne sont pas les seuls !) et il ne peut intervenir dans la famille que pour suppléer aux défaillances des parents. Que j'aille à l'encontre de la liberté individuelle s'explique parce que je critique une liberté individuelle qui ne se reconnaît que des droits et pas de devoirs. une telle liberté, à mon sens, ne peut à terme que détruire la famille et faire le lit du totalitarisme, comme je le montre par la suite en reprenant les analyses d'H.Arendt dans le Système totalitaire. Un individu ne peut avoir que des droits sans se reconnaître aucun devoirs, or la contractualisation du mariage tend à valoriser une liberté qui refuse tous devoirs et conduit en réalité à une déresponsabilisation, ce qui est l'inverse de l'idée que je me fais de la liberté, car il n'y a pas de liberté authentique sans responsabilité ! Votre critique sur les "inégalités scolaires" et la distinction "école privée" / "école publique" est juste, mais elle n'entre pas du tout dans le cadre de mon propos : ce que je m'efforce de montrer, c'est seulement que la démocratisation massive de l'enseignement conduit à l'inverse de l'idéal recherché : en abaissant les exigences à l'école, celle-ci ne permet plus aux enfants venant de classes défavorisés d'y réussir, car si l'école ne transmet plus la culture nécessaire à la réussite, alors ce sont les élèves des milieux favorisés, bénéficiant de cet apport culturel dans leur propre milieu social, qui réussiront. Les chiffres semblent me donner raison : plus l'école était élitiste et méritocratique, plus elle rendait possible une réelle mobilité sociale, plus elle prétend se démocratiser, plus les inégalités scolaires semblent se renforcer. Sans doute l'erreur est-elle de croire que l'école devrait être un "laboratoire de la démocratie" destiné à réduire les inégalités sociales, alors que ce n'est nullement sa fonction ni sa mission : celle-ci est de former un jugement critique et éclairé, et de transmettre la culture qui rend possible celui-ci ! Sur le deuxième chapitre (là encore, vous parlez forcément de manière très vague, faute d'avoir lu le livre : vous verriez, si vous le faisiez, que les choses sont infiniment plus complexes que la reprise rapide que vous en faites...), vous semblez ne pas voir que c'est l'individualisme que vous défendez qui conduit en réalité à une "déresponsabilisation", alors que la religion juive aussi bien que chrétienne (lisez Levinas à ce sujet) a toujours tenu, au contraire, à insister et à valoriser sur la responsabilité humaine, la capacité à répondre de ses actes et de ses choix ! Que certains croyants refusent d'assumer leurs responsabilités, c'est un fait, mais cela ne met pas en cause l'appel permanent que Dieu nous lance à être des individus responsables de leurs choix. Or l'individualisme (lisez Tocqueville à ce sujet, que je cite souvent dans mon libre) conduit bien plutôt à une déresponsabilisation : l'homme devient un individu passif et soumis au "dictat" de ses désirs - un désir d'autant plus tyrannique (cf Guillebaud) qu'il n'en est nullement l'origine puisque celui-ci lui est imposé de l'extérieur par la société de consommation, dans une logique mimétique qui conduit en réalité à une véritable aliénation de sa personnalité.  Sur la laïcité, vous verriez là encore, si vous aviez lu le livre, que je défends vigoureusement la loi de 1905, que je suis partisan d'un "pluralisme religieux de l'espace public" (incluant l'athéisme) et que je défends ce pluralisme au nom même de l'idée qu'on ne peut choisir que ce que l'on connaît, ce qui est la condition d'un choix libre et authentique, alors que le refoulement de la religion dans la sphère privée conduit à ne laisser d'autre choix à l'individu que celui du "conditionnement" de sa confession d'origine. Quand vous dites ensuite que les croyants privilégient le cerveau émotionnel plus que rationnel, excusez-moi du peu, mais vous ne faites que manifester un peu plus votre inculture, tant philosophique que théologique. Je ne vous ferai pas l'insulte de vous rappeler que tous les plus grands philosophes (Descartes, Pascal, Leibniz, Kant, Hegel, Kierkegaard, Bergson, Levinas, Ricoeur, et j'en passe bien d'autres) et la plupart des grands savants étaient tous croyants, bien qu'ils savaient aussi argumenter avec leur raison. Personnellement, j'aimerai bien voir une telle "palette" chez les athées, mais il n'y en a pas ! Vous avez manifestement tendance à projeter votre propre expérience chez les évangéliques (manifestement mauvaise) sur l'idée même de croyance religieuse, mais veillez à ne pas faire de généralisations hâtives si vous ne voulez pas vous ridiculiser un peu plus. Pour la pacification des croyances religieuses, c'est effectivement un "pari", mais je pense que cette rationalisation a déjà eu lieu dans la théologie chrétienne et arabe : si chaque croyant faisait l'effort de de s'approprier réellement sa propre tradition religieuse, comme l'ont fait les philosophes chrétiens (que je cite plus haut) où les philosophes arabes (comme Averroès et Avicenne), nul doute qu'il y aurait moins de problèmes et moins de fanatisme, masi le fanatisme vient précisément de la tendance à absolutiser sa propre foi, alors que j'invite au contraire les croyants à argumenter leurs convictions par une formation philosophico-théologique, ce qui aidera chacun non pas à relativiser ses croyances (car c'est impossible) mais plutôt à relativiser l'expression de celles-ci, rendant possible un véritable dialogue au sein de l'espace public. Vous êtes libre de croire ce que vous souhaitez, et je ne cherche pas ici à vous convaincre de quoi que ce soit, mais il ne sert à rien de poursuivre ce dialogue si vous n'avez pas lu le livre. Par contre, je suis prêt à poursuivre la discussion lorsque vous l'aurez lu, si du moins vous avez des remarques plus pertinentes à formuler, car sincèrement, celles-ci ne le sont guère, même si j'ai quand même fait l'effort de rectifier les erreurs contenues dans votre "critique".

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    Samedi 17 Octobre 2015 à 11:14

    Bonjour Monsieur de Saint Germain,

    Grand merci pour votre prompte réponse à mon commentaire. Je m'attendais à ce que vous me reprochiez avec raison d'avoir renoncé à lire votre ouvrage, au prétexte que j'en avais lu deux résumés suffisamment éclairants à mes yeux. Mea culpa !  Je le lirai donc, ce qui me suggérera certainement des jugements moins hâtifs et plus nuancés, mais je regretterais que mes réflexions actuelles soient déjà disqualifiées d'office.

    « L'honnêteté intellectuelle » à laquelle je fais allusion se réfère à l'exigence qui, selon moi, devrait prévaloir dans tout système éducatif soucieux, comme vous l'écrivez, de « former un jugement critique éclairé et de transmettre la culture qui rend possible celui-ci ». Mais est-ce le cas d'un enseignement confessionnel qui n'a toujours pas modifié d'un iota son projet éducatif évangélisateur et unilatéral ?

    Comme moi, vous avez « pris vos distances » avec votre éducation en passant d'une foi catholique à une foi évangélique, ce qui, vous en conviendrez, ne constitue pas une apostasie aussi radicale que la mienne. Ancien croyant (protestant « libéral ») jusqu'à 21 ans, en 1961, je me croyais du bon côté de la barrière dogmatique. Ce n'est qu'alors que j'ai compris que les pasteurs que j'ai connus entre 1952 et 1958 occultaient la découverte des philosophes passés et de l'époque, celle des autres religions (même du déisme) et surtout celles des options non confessionnelles que sont l'agnosticisme, l'incroyance et l'athéisme.

    J'ai rapidement été « convaincu » par les arguments rationnels et scientifiques de l'inexistence de Dieu (aucune inexistence n'étant « démontrable », sauf en mathématiques, par l'absurde), mais il m'a quand même fallu environ trois ans pour m'affranchir totalement de l'influence affective de ma foi, au point d'oser dire, comme le journaliste scientifique belge Paul Danblon (agnostique mais à "connotation athée") :  "Dieu, si tu existes, j'ai un "oeuf à peler" avec toi, qui permets la mort d'enfants, etc".. Pour tenter de comprendre ce décalage, j'ai lu de très nombreux ouvrages et correspondu avec des biologistes, des philosophes, des sociologues, des psychologues, des neurophysiologistes, des psychiatres croyants et athées, etc. C'est ainsi que j'ai pris conscience de l'origine psychologique, éducative et culturelle de la foi, ainsi que de sa fréquente persistance dans les neurones du cerveau émotionnel, prédominant chez le croyant, indépendamment de son intelligence et de son intellect. Cela m'a fait conclure à l'existence seulement subjective, imaginaire et donc illusoire de Dieu. Je ne doute pas qu'une conclusion aussi simpliste et réductrice paraisse ridicule aux yeux du croyant que vous êtes. Dans le lien http://originedelafoi.eklablog.com , vous trouverez une petite « palette d'athées » dont je m'étonne que vous constatiez l'absence.

    Compte tenu de l'ignorance relative mais encore considérable des sciences, de notre incapacité à imaginer l'influence de centaines de millions d'années sur l'évolution des espèces, et de l'exploitation du besoin d'espérance exploité par toutes les religions, je ne m'étonne pas, et je respecte, que plus de 95 % des humains soient et restent croyants ou au moins déistes. Cela n'implique évidemment aucun sentiment de supériorité de ma part, et je ne cherche pas à convaincre que mon point de vue soit plus pertinent qu'un autre..

    L' « expérience d'une nouvelle naissance » que vous citez n'est en effet « pas donnée à tout le monde ». Elle l'est pourtant aux futurs francs-maçons a-dogmatiques, lorsqu'ils sont plongés dans le « cabinet de réflexion » avant leur « initiation », dans le but de leur proposer une « nouvelle vie » expurgée des conditionnements éducatifs et culturels, enfin orientée vers la promotion et la défense de valeurs humanistes librement découvertes et assumées.

    Il me semble évident que les plus grands philosophes du passé, n'avaient forcément aucune connaissance (ou alors fantaisiste) du fonctionnement cérébral humain. Ils ignoraient les interactions constantes et éminemment complexes qui existent entre les hémisphères, de gauche à droite et de droite à gauche, celles entre le néocortex et le système limbique, de haut en bas et de bas en haut, et aussi, comme Paul Claudel, l'intervention de neurotranmetteurs responsables de sa conversions le 26 décembre 1886 à N-D de Paris (cf le lien ).

    Je pense que le nombre de divorces, surtout préjudiciable aux enfants, est à la fois la conséquence du « mimétisme », de la « dépersonnalisation » et de l'égoïsme croissants de notre époque, mais surtout celle de la « contractualisation » du mariage, inventée pour protéger son indissolubilité religieuse, ce qui conduit trop souvent les conjoints à ne plus se « mériter » l'un l'autre, comme c'est le cas dans les unions libres. Pour moi, ce n'est évidemment pas « Dieu qui nous lance un appel permanent à être des individus responsables de leurs choix », mais bien la conscience morale qui n'a pas été suffisamment sensibilisée dès l'adolescence au respect de l'autre.

    « Le pluralisme religieux de l'espace public » inclut d'autant moins l'athéisme que celui-ci  est rétif au prosélytisme, chacun devant se forger une « vérité » personnelle, partielle et provisoire, au contact de celles des autres et à partir d'une information neutre et objective qui devrait être offerte par l'État.

    Or, actuellement, la laïcité « politique » à la française, laxiste et électoraliste, favorise paradoxalement le prosélytisme de toutes les religions ! « L'idée que l'on ne peut choisir que ce qu'on l'on connaît » ne sera applicable que le jour encore lointain où il n'y aura enfin plus qu'un seul réseau d'enseignement pluraliste et égalitaire, à la place des réseaux confessionnels qui occultent volontairement les options de l'humanisme et de la spiritualité laïques. À moins évidemment qu'entre-temps la confrontation entre les trois monothéismes ne s'aggrave tragiquement au point de provoquer une troisième guerre mondiale ... Nous ne sommes plus à l'époque des philosophes chrétiens et arables (n'oubliez quand même pas la dhimmitude de l'époque !). Quand aux rares philosophes musulmans actuels, éclairés et modérés comme Malek Chebel, ils ne sont pratiquement pas écoutés, à cause de la toute puissance de la soumission totale au coran, à la charia, etc ...

    Je suis heureux que nous ayons pu avoir cet échange de points de vue, malgré nos divergences.

    Bien à vous,

    MichelTHYS

    à Ittre, en Belgique.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    6
    de Saint Germain
    Jeudi 12 Novembre 2015 à 16:30

    Cher Monsieur,

    Je réponds tardivement à votre courrier, car j'ai été très pris récemment (et je le suis encore !) par de multiples conférences, paquets de copies, etc. Mon ami Gérard Martin m'a signalé que vous étiez franc-maçon et que vous étiez convaincu par la validité ontologique du modèle évolutionniste darwinien. Je suis aussi partisan d'une macro-évolution, mais pour des raisons qui sont liées aux présupposés méthodologiques de la science moderne, je ne crois pas que le néo-darwinisme permette de rendre compte de certains "faits" (comme les convergences évolutives sur toutes les branches de l'évolution). A la limite, j'ai tendance à penser qu'il faut être infiniment plus croyant (dans la puissance que l'on accorde au hasard !) quand on est néo-darwinien que quand on est croyant. Je vous renvoie à ce sujet aux deux articles que j'ai écrit sur le site Info-chrétienne récemment, l'un sur "Néo-darwinisme versus Intelligent design" (qui reprenant la réponse que je faisais à Gérard) et l'autre sur "Peut-on être franc maçon et chrétien ?", qui vous intéressera sans doute si vous appartenez à la FM.

    Il me semble néanmoins que dans votre réponse, votre approche reste strictement matérialiste et neurologique : vous seriez sans doute un bon disciple de J-P. Changeux ! Pour ma part, je trouve le matérialisme "philosophiquement intenable", car c'est un réductionnisme qui tente toujours d'expliquer le supérieur par l'inférieur, mais l'intelligence artificielle ne pourra jamais égaler l'intelligence humaine, dans sa dimension de "créativité" et "d'intuition". Croire que l'on peut expliquer la dimension spirituelle par le fonctionnement du cerveau me paraît donc très réducteur. Je n'exclus pas que certaines "expériences mystiques" puissent s'expliquer par ce biais-là, mais la dimension "émotionnelle" n'est pas encore la dimension "spirituelle", et comme vous le faisait remarquer Gérard, cela n'explique pas, à mon sens, la foi, car celle-ci ne se fonde pas d'abord sur une "expérience émotionnelle", mais sur la capacité à reconnaître "intérieurement" la Vérité d'une Parole (celle du Christ, en l'occurrence). Pour vous dire les choses franchement, j'ai vécu toutes mes expériences émotionnelles et mystiques au sein du catholicisme. Si je fondais ma foi là-dessus, je serais assurément resté catholique ! Et pourtant, c'est la lecture de la parole de Dieu et des Pères de la réforme protestante qui m'ont convaincu que la foi protestante était "vraie", bien que mes "expériences émotionnelles" et spirituelles n'aillent pas forcément dans ce sens. Mais la certitude intérieure que j'ai de la vérité de la foi évangélique est plus forte que toutes les expériences que j'ai pu vivre : il me semble du coup que mon parcours est un peu la réfutation de ce que vous dites ! En outre, même si je sais que ces expériences sont ambiguës, et ne vont pas forcément dans le sens de la foi chrétienne, Gérard vous rappelait que l'expérience des NDE (ou EMI) restent à ce jour inexplicables pour les hommes de science, et témoignent assurément en faveur de la survie d'une principe immatériel en dehors du corps biologique. Aucune explication scientifique et bien matérialiste ne semble pouvoir rendre compte de ces phénomènes. Alors je reste prudent, car je sais que ces expériences sont parfois réinterprétées à toutes les sauces par les diverses traditions religieuses, mais elles confirment bien ce que Bergson disait déjà au sujet des rapports entre la conscience et le cerveau (ou entre les rapports de l'âme et du corps). Le cerveau n'est pas ce qui produit ces expériences, mais il est au contraire ce qui "limite" la vie spirituelle, en jouant le rôle de "filtre" : c'est une organe centralisateur de l'action. Je vous invite à relire "Matière et Mémoire", qui contient, à mon sens, le principe même de la réfutation de toute forme de matérialisme, et permet d'expliquer bien des phénomènes que la science matérialiste du fait de sa méthode ne peut pas expliquer.

    J'espère sinon que vous avez pu vous procurer mon livre, et que celui-ci vous a intéressé !

    Bien cordialement,

    Charles-Eric de Saint Germain

     

     

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