• Les 7 thèses de ChristNet sur l'argent en Suisse

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    Cet article a été publié sur le site ChristNet à l'adresse :http://www.christnet.ch/Home.aspx?docid=735&lang=fr&topmenu=Economy  

    Thèse 1 - Chrétiens et non-chrétiens se laissent de plus en plus imprégner par la culture de la peur

    Nous constatons, en particulier dans le monde occidental, un glissement vers une culture de la peur et de la méfiance : la peur de perdre ses propres biens et la sécurité matérielle dont on jouit, et la peur du prochain que l'on ne connaît pas. La prospérité croissante a exacerbé la peur de perdre nos biens. La notion économique de concurrence a pénétré la sphère privée, de sorte que le prochain est de plus en plus souvent perçu comme un concurrent. Qui plus est, l'individualisme croissant nous a extirpé des rapports sociaux qui nous conféraient naguère un sentiment de sécurité. Les craintes ressenties pour notre propre bien-être ont étouffé le souci du bien-être du prochain. Nous mettons ce fait en relation avec la parole de Jésus selon laquelle l'amour du plus grand nombre se refroidira (Mt. 24.12). En Suisse tout spécialement, nous sommes fortement marqués par la culture de la peur, comme en atteste le nombre particulièrement élevé de polices d'assurance par habitant.

    Thèse 2 - Désolidarisation : le partage nous pose problème, car nous avons peur pour notre propre bien-être et parce que nous sommes confrontés au coût toujours plus élevé découlant de la forme d'économie qui est la nôtre

    La peur pour notre propre bien-être et la méfiance à l'égard du prochain se traduisent par une désolidarisation. La " liberté " est un concept qui a le vent en poupe, car nous cherchons à nous libérer de toute forme de responsabilité envers le prochain.

    Nous ne sommes pas prêts à payer le prix des dégâts croissants causés par notre forme d'économie : même si les plus faibles ne se voient plus proposer d'emplois, et qu'ils deviennent des cas sociaux, nous avons tendance à leur rendre seuls coupables de leur situation ou à les appeler " profiteurs du système social ". Nous accordons volontiers foi aux théories selon lesquelles " chacun peut obtenir tout ce qu'il souhaite s'il fait seulement l'effort nécessaire ". Les chrétiens ne sont pas immunisés contre ces courants culturels, de sorte que l'évangile de prospérité et le compassionate conservativism nous paraissent attrayants.

    Thèse 3 - Parce que nous ne pouvons pas partager, nous sommes condamnés à la croissance

    La Suisse est un des pays les plus riches du monde, nous avons en fait suffisamment pour tous, nous disposons de tout ce dont nous avons besoin. Néanmoins, nous aspirons avec entêtement à une croissance plus élevée du PIB, c'est-à-dire de la richesse (et sacrifions en chemin de nombreuses valeurs chrétiennes), bien que la Bible dise que nous ne devons pas accumuler de richesses (Jc 5). Ce principe ne s'applique pas uniquement à la vie personnelle, mais aussi aux nations tout entières, car nous voyons ci-après quelles en sont les répercussions.

    Alors, pourquoi la croissance ? Nous affirmons avoir besoin de la croissance pour créer suffisamment d'emplois. Est-ce que le système que nous avons créé n'offre de travail à chacun que lorsque le PIB croît ? Sommes-nous, au cas contraire, incapables de donner à chaque être humain un travail qui ait un sens ? Nous affirmons aussi avoir besoin de la croissance pour financer notre prévoyance vieillesse. Mais ne pourrions-nous pas organiser cela autrement, par un meilleur partage ? Le Conseil fédéral affirme encore avoir besoin de la croissance pour éviter les foires d'empoigne à qui profitera la distribution. Sommes-nous même capables de partager l'abondance ? Ne pouvons-nous pas faire en sorte que chacun, dans ce qui a été gagné, reçoive suffisamment en échange des efforts déployés ? Ces problèmes peuvent, de notre avis, être résolus autrement avec un peu de sens commun et le sens du partage. Etant donné que nous ne sommes pas encore prêts pour cela, la Suisse reste " condamnée à la croissance ". En outre, nous continuons de croire dans notre vie personnelle que la richesse est synonyme de bonheur.

    La consommation effrénée est par conséquent toujours bienvenue et encouragée. La société de consommation est devenue une pression idéologique sur les personnes, même si en fait nous avons déjà tout. Comment l'économie peut-être encore croître alors que la société se trouve dans l'abondance ? Les valeurs et les idéaux sont eux aussi inévitablement sacrifiés dans cette quête des possibilités de croissance.

    Thèse 4 - Nous nous accrochons à des biens injustement acquis

    La Suisse n'a accepté que sous la pression massive de l'étranger de restituer les fonds juifs en déshérence. Aujourd'hui, nous nous agrippons au secret bancaire, même si nous savons que la majeure partie des quelque deux milliards et demi de francs de fortune de l'étranger placés sur les comptes suisses sont le fruit de l'évasion fiscale. Nous cherchons encore et toujours à nous justifier et déclinons toute responsabilité de notre part, bien que le secret bancaire ait été ancré dans la loi en 1934 dans le but précis d'attirer des fonds issus de l'évasion fiscale.

    Michée 6.9-11 nous interpelle sur ce point : " Ecoutez l'annonce du châtiment et celui qui l'a décrété. Y a-t-il encore dans la maison du méchant des trésors mal acquis, et un épha trop petit, exécrable ? Serai-je sans reproche avec des balances fausses et avec des poids trompeurs dans le sac ? "

    Thèse 5 - " Mammon " est puissant en Suisse et a la mainmise sur notre pensée et notre politique

    " Nul ne peut servir deux maîtres, car ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon " (Mt 6.24). Il nous semble que la pensée de rentabilité économique et le souci pour nos biens ont pris trop de poids par rapport à Dieu et à l'amour du prochain. Nos valeurs sont par conséquent déterminées de plus en plus par " Mammon ". Ce faisant, la Suisse semble également sacrifier de nombreuses valeurs chrétiennes, telles que la famille, le dimanche, la miséricorde à l'égard des faibles, la justice et la morale.

    Il nous faut vraiment nous décider. En tant que pays, repentons-nous, faisons le ménage dans nos vies, notre politique et nos banques. " Car l'amour de l'argent est la racine de tous les maux " (1 Ti 6.10), et il semblerait que nous en ressentions les conséquences aujourd'hui. Par contre, Dieu nous promet de s'occuper de nous si nous agissons dans la justice et l'adorons Lui (et non pas Mammon). Nous n'avons donc pas à craindre de perdre nos richesses ou des emplois, si nous faisons les pas nécessaires à nous séparer de l'injuste Mammon. La prévoyance de Dieu et Sa paix nous porteront.

    Thèse 6 - L'alternative : la confiance en Dieu et une politique de miséricorde à l'égard des plus faibles

    Jésus nous a présenté, outre le salut par la foi, un amour radical pour le prochain et nous a commandé de placer au centre de toute notre action le bien-être de notre prochain (et donc le bien-être général). Nous voulons éveiller à nouveau cet amour pour le prochain, cet agapé, c'est-à-dire appeler chacun à y revenir et à contribuer à ce que le monde soit marqué par l'amour de Jésus. Dieu deviendra ainsi visible dans notre société. Une démarche qui commence au sein de la chrétienté, par une nouvelle sensibilité au bien-être du prochain, qui en fera un puissant multiplicateur de l'amour de Dieu.

    On oublie souvent que l'amour du prochain n'est pas confiné à la sphère privée, mais qu'il doit être exercé de la même manière aux niveau de la société et de la politique. Les membres les plus faibles de la société nous semblent aujourd'hui particulièrement menacés du fait qu'ils n'ont pas de pouvoir et ne disposent guère de groupes d'influence. Pourtant, Jésus lui-même préconise de protéger les plus faibles, allant jusqu'à s'identifier pleinement à eux : " Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; j'étais étranger et vous m'avez recueilli ; [...] j'étais en prison et vous êtes venu vers moi ". (Mt 25.35-36)

    Pour ce faire, nous avons besoin de préserver notre confiance en Dieu, à commencer dans notre propre vie, en sachant qu'il pourvoira à nos besoins si nous agissons avec justice.

    Thèse 7 - Nous avons besoin d'une nouvelle miséricorde biblique

    Le thème de la solidarité occupe une place prépondérante dans la Bible. Une importance centrale est accordée à la notion de " pauvre ", qui désigne d'une part le dénuement matériel et l'oppression (on parle aussi de " misérables ", " moindres ", etc.), mais aussi, d'autre part, les pauvres en esprit, c'est-à-dire les humbles. Rares sont les passages où la pauvreté est mise en relation avec une culpabilité personnelle. On ne la trouve ainsi présentée que dans le livre des Proverbes et dans une affirmation du Nouveau Testament, savoir celui qui ne VEUT pas travailler, qu'il ne mange pas non plus. Pour le reste, la pauvreté est décrite comme un mal de la société, souvent en lien avec le préjudice social.

    Nous ne pouvons bien entendu pas affirmer que de nos jours, les pauvres ne portent, de manière générale, aucune responsabilité dans leur situation, mais nous devons être prêts à examiner la question de plus près. Pour cette raison, l'Ancien aussi bien que le Nouveau Testament contiennent de multiples appels à protéger les pauvres (sur les plans physique et juridique), à partager avec eux et à faire justice. Car nous ne devons pas croire que nous ayons créé notre prospérité par nous-mêmes et que, partant, nous n'ayons pas besoin de partager quoi que ce soit.

    Ainsi, premièrement, notre aptitude à la performance découle elle aussi de la grâce de Dieu, et tout ce que nous possédons nous vient de Dieu. Nous sommes donc tenus de gérer ce que nous avons reçu selon Sa volonté. Deuxièmement, tout être humain est doté de dons variables, qui peuvent également être convertis en salaire de manière variable. Nous devrions par conséquent permettre à chacun de vivre dignement. Une certaine redistribution était ainsi prévue dès l'Ancien Testament. Le prochain représente aussi, à l'heure actuelle, les pauvres vivant dans d'autres parties du monde. Nous sommes tenus de nous consacrer également à eux.

    Nous sommes convaincus que la Suisse, d'un point de vue spirituel, tourne le dos à Dieu et à sa bénédiction en ne partageant pas sa prospérité avec les pauvres.

    Dominic Roser, Markus Meury, Michael Vökt, Werner Ninck Novembre 2005

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  • Commentaires

    1
    Christ Hope
    Mardi 25 Mai 2010 à 14:47

    A la décharge de nos amis suisses, il faut souligner sans relâche un système de captation financière qui n'est pas l'apanage de la Suisse, ni des paradis fiscaux, mais de la seule cupidité érigée en vertu professionnelle et institutionnelle.Les sociétés offshore, vous connaissez? Total Gabon, société de droit gabonais appartenant à Total et à une oligarchie pétrolière manoeuvrant dans les coulisses du pouvoir français ou du golfe de Guinée... Ce n'est qu'une illustration mais la vente en-dessous du cours du marché international du brut à des sociétés intermédiaires basées en des îles dont on taira le nom permet de revendre au cours officiel du marché aux sociétés de transformation et de commercialisation d'occident, avec de juteux bénéfices non imposables.
    Exemple quelque peu simplifié, mais que vous retrouvez à tous les niveaux de notre économie mondialisée: le plus gros mécanisme d'extorsion de fonds (et je pèse mes mots) est en même temps le plus gros mécanisme de "fabrication" de la plus-value porteuse de croissance et de juteux bénéfices, aux dépens du consommateur final ET du producteur dans sa force laborieuse... C'est l'intermédiation. Si vous y ajoutez le mécanisme d'évasion fiscale, la boucle est bouclée et tout de suite un peu plus complexe qu'il n'y paraît... et justifiable: "mais on a des entreprises dont c'est le métier, et qui emploient beaucoup de gens..."
    En fait, c'est le propre de la mafia de donner l'impression d'injecter beaucoup d'argent et de nous faire ainsi l'aumône d'un peu de son "génie frugifère". Sauf qu'à l'aune de nos propres besoins satisfaits on en oublie que la globalisation c'est l'interaction de tous les acteurs économiques à la production du bien commun. Pourquoi ne pas réaliser la perversion de ce "système" d'extorsion organisée alors même qu'on contemple avec effarement le "coût social" des dérives du capitalisme?
    Non je ne suis pas marxiste, mais je "vote hors système". ^^ Il y a toute une économie de services, de production, et de redimensionnement des échanges qui est à étudier dans cette perspective.
    Pourquoi transférer un porcelet en France pour engraissage alors qu'il est né en Pologne? Pourquoi le vendre à un intermédiaire qui l'enverra à l'abattage et à la transformation ailleurs pour ensuite revenir dans nos assiettes françaises?
    Bonne idée celle des producteurs proposant avec audace la vente directe ou celle des bouchers charcutiers choisissant l'approvisionnement local plutôt que les grossistes en viande d'origine étrangère au moins en partie, ou éloignée de l'assiette de juste quelques centaines de kilomètres en France même? Y a 30 ans mon boucher avait une devanture du type de celle du boucher marocain de Marrakech ou Beni Mellal; ses produits venaient du coin de la rue pour ainsi dire.
    Les normes, la course aux profits par la chasse aux coûts ont tout déstabilisé pour pas forcément moins cher et en tout cas moins bon souvent.
    C'est toute une éthique qualité et globale qui est en jeu. Une meilleure qualité de vie aussi.
    Aujourd'hui mon boucher achète chez Métro ou Promocash, ou ailleurs, selon... mais l'addition chez lui n'a pas bougé... Alors autant aller au supermarché, qui remplace malgré nous et malgré elles ses caissières par des automates. Pourtant elles étaient détrerminées à se batrre pour travailler et satisfaire un employeur pour 20h hebdo au SMIC, horaires découpés façon "gruyère" de sorte qu'il est impossible de chercher un autre travail en complément de revenus.
    Oui, avec les derniers 50 ans, on s'est bien fait mystifier. Pourtant le bien-être serait possible. Pourquoi saucissonner un emploi du temps et ses revenus insuffisants sinon pour mieux avilir et asseoir la dépendance du salarié. On parle de précarisation en hauts lieux. Ici, je parlerai d'atteintes à la dignité de la personne, ce qui est un délit... Mais la Direction du Travail ou les syndicats (ce qui est pire à mon sens) le relèvent-ils? Je n'en entend pas parler sauf à lire les rubriques de jurisprudence sociale et pénale à l'occasion d'un contentieux engagé par un employé ulcéré (au propre comme au figuré).
    Etre gentil et "bon" patron? Bah non, vos employés ne pensent qu'à vous arnaquer vu que vous, vous les arnaquez forcément. Ca sert à rien ou alors il faut être constamment sur leur dos. La confiance règne du coup...
    On en vient finalement à "si chacun fait un peu, on fera beaucoup et mieux". C'est urgent d'exhorter nos frères et soeurs à réfléchir à un"mieux-vivre" ensemble.
    Mais j'ai dit tout ça aussi pour éviter de parler des trésors français de la Guerre, les spoliations honteuses et les délits financiers de ces exécutants jamais inquiétés: biens immobiliers appartenant à des juifs revendus au proft de l'Etat et atterrissant aujourd'hui devant les tribunaux pour un éventuel retour aux héritiers... Tableaux, or, titres divers... Sans oublier les biens de tous les gens persécutés ou abusés dans le même temps: communistes, homosexuels, opposants divers, ou "pauvres types" qu'une personne bienveillante de leur connaissance ne pouvait pas encadrer...
    Non les Suisses n'ont pas à se flageller. Mais les hommes "oui".

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    2
    Mardi 26 Novembre 2013 à 14:22

    A décharge de nos amis suisses, ils viennent de voter favorablement par référendum à la création d'un revenu de base éliminant par ce fait le fait de ne pas partager sa prospérité avec les pauvres : http://blog.francetvinfo.fr/classe-eco/2013/11/24/lheure-du-revenu-de-base-est-elle-venue.html

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