• Les lendemains du mariage gay

    Un article d'Alain LEDAIN

    Les lendemains du mariage gay

    "Les lendemains du mariage gay", tel est le titre d’un livre paru aux éditions Salvator et rédigé par Thibaud Collin, agrégé de philosophie enseignant à Paris en classes préparatoires.

    L’auteur souhaite répondre à cette question : « Ouvrir le mariage civil aux personnes de même sexe est-il juste ? ».

    Pour lui, il s’agit ici, non de débattre de façon théorique, de confronter des idées mais de délibérer en vue d’une action et d’un choix politique.

    Thibaud Collin remarque d’abord que les partisans du mariage des couples homosexuels considèrent ces derniers comme victimes d’une discrimination. Pour ces partisans, leur revendication s’inscrit donc dans la lutte contre les discriminations qui sont toujours des injustices. Une délibération n’aurait ainsi pas lieu d’être, la question posée par l’auteur ayant déjà sa réponse. Il convient pourtant de se demander si l’équivalence entre discrimination et injustice est fondée et d’où viennent ces discriminations.

    Qu’elles proviennent des données de la nature humaine est insupportable pour ceux qui militent pour le « constructivisme social » : pour être démocratique, tout doit avoir été choisi, construit et non reçu. On constate ici un rejet profond de l’hétéronomie perçue comme anti-démocratique et comme une répression de la liberté individuelle. On retrouve ce même rejet dans la théorie du Gender : on rejette son sexe (un donné non voulu) et on choisit son genre (féminin ou masculin) indépendamment de lui.

    Ultimement, la lutte contre les discriminations s’inscrit dans le cadre des Droits de l’Homme ; mais qu’est-ce que l’homme ? Notre période étant relativiste, nihiliste et constructiviste (destructurante en fait !), il devient impossible de le définir par son donné naturel (par ce qu’il est « naturellement »). L’homme est devenu indéfinissable de manière définitive et absolue. Une conséquence directe, c’est que le droit n’est plus écrit en fonction de ce qu’est l’homme mais à l’inverse, il est chargé de le déterminer. Ce sont les lois qui font l’homme.

    Exprimé plus simplement, à la question « Qu’est ce que l’Homme ? », la réponse donnée est : « le sujet qui a tels et tels droits ». Or, ces droits trouvent leur source dans les revendications contradictoires et fluctuantes nées des histoires individuelles. On en arrive ainsi à un homme plongé dans la confusion, dans l’indifférenciation à tous les niveaux, entre autre sexuelle.

    A ce point, on se demande si le mariage a encore un sens, si le mariage gay n’est pas le « début de la fin » du mariage. Ne faudrait-il pas le remplacer plutôt par un contrat juridique unissant x personnes, quelles que puissent être ces personnes ? Pourquoi encore utiliser ce terme de « mariage » très connoté religieusement ?

    Pour répondre à cette question, il faut revenir au Code Civil et aux intentions de ses rédacteurs, de Portalis notamment qui, il faut le rappeler, s’est explicitement placé sur le terrain de la laïcité.

    Pour Portalis, « le mariage est nécessaire » contrairement à tout autre contrat, son objet étant « déterminé par la nature même ». Et « on ne s’engage pas seulement pour soi, mais pour autrui » : pour la nouvelle famille à laquelle on va donner l’être, pour l’Etat et pour la société du genre humain. Dans l’esprit de Portalis, le mariage pointe vers l’enfant, nouveau membre de la société. Le mariage est la matrice de la cité, le cadre stable où l’enfant va se développer dans son intégralité. Il est donc bien plus qu’un contrat mais une institution assurant la filiation des enfants. Il est plus que « la conjugalité ».

    Dans ce cadre, l’enfant doit être le bénéficiaire de l’unité familiale et non celui qui l’assure.

    ***

    L’enfant est parfois « construit » grâce à la mainmise de l’homme sur la reproduction. Procréation et sexualité sont ainsi séparées ; ce qui explique et justifie l’homoparentalité. Pourtant, l’enfant ne peut pas être une « construction technique », une « œuvre », un « produit de laboratoire » justifié par certaines pratiques sexuelles. Il ne peut être discriminé, avec l’approbation de l’Etat, en le privant de ses biens fondamentaux : une filiation inscrivant sa vie dans une ascendance maternelle et paternelle et ne le confrontant pas à la multiplicité des ascendants (pluriparentalité).

    Une raison essentielle au refus d’accorder le mariage aux personnes de même sexe est de créer une injustice envers les enfants. « Peut-on priver un enfant du droit reconnu à tous les autres d’avoir pour parents un père ou une mère ? » (Yan Thomas)

    ***

    Comme mes lecteurs peuvent le constater, Thibaud Collin se place résolument sur le plan philosophique et non sur le plan religieux. Son livre est très bien argumenté mais d'une lecture qui ne le rend pas accessible à tous. J'en ai apprécié le contenu qui démontre, s'il le fallait, que l'éthique biblique peut être défendue intelligemment.

    ***

    En complément, vous pouvez lire l'article suivant : Thibaud Collin, professeur de philosophie : "Les enfants au sein de couples homosexuels présenteront des blessures profondes"

     

    Les lendemains du mariage gayQuatrième de couverture du livre "Les lendemains du mariage gay" de Thibaud Collin (Editions Salvator)

    Est-il juste d'ouvrir le mariage civil aux personnes de même sexe ?

    Cette question n'est pas posée ici de manière théorique, mais dans le contexte social et politique bien précis de la société française actuelle. Le critère central à l'aune duquel les choix politiques sont déterminés étant la justice, il s'agit d'expliciter ce qui fonde la revendication à l'ouverture du mariage, à savoir la lutte contre les discriminations.

    L'auteur analyse ce qu'est le mariage en tant que tel, à savoir l'institution qui articule la conjugalité et la parenté. Est-il donc juste de prévoir un cadre institutionnel dans lequel l'enfant vit sa filiation soit dans une parenté monosexuée, soit dans une pluriparentalité ? De telles situations le privent-elles de biens humains intrinsèques ? La loi doit-elle prévoir que certains enfants aient à supporter les conséquences des choix sexuels de ceux que l'État leur désignera malgré tout comme leurs parents ? Quelles sont les conceptions de la justice sous-jacentes aux diverses réponses ? Cette revendication est-elle en continuité avec les évolutions récentes ou bien produit-elle une rupture majeure ?

    En réponse à toutes ces questions, Thibaud Collin fournit les élements pour que chacun puisse envisager la gravité de sa propre réponse avec clarté.

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 20 Septembre 2012 à 20:22
    Jocelyn Girard

    Bonjour Alain. Je te remercie d'avoir attiré l'attention sur cet ouvrage. Je suis personnellement intéressé à réfléchir et à approfondir les fondements anthropologiques du mariage. Je vis cependant, comme tu le sais, dans une société où le pragmatisme est devenu sacré. Ainsi, parce que des gens veulent telle chose et qu'une opposition à ce qu'ils veulent n'est ni vraiment efficace ni soutenue, alors ils en arrivent à le faire avec une complicité sociale, dans un premier temps, qui se mue en légimité légale par la suite. Il en est ainsi pour tant de sujets. Prenons donc le mariage gay. Depuis longtemps, des hommes ou des femmes ont choisi de vivre ensemble sur un mode conjugal homosexuel. Ils ont été l'objet de railleries, mais en faisant appel aux droits fondamentaux, ils sont parvenus - plutôt rapidement quand on considère la nouveauté de leurs revendications par rapport à l'histoire - à être d'abord tolérés, ensuite soutenus et même parfois admirés. De victimes, ils sont devenus modèles (pensons aux métrosexuels). C'est souvent ce qui se passe d'ailleurs avec la résilience! Au Québec et un peu partout au Canada, les homosexuels peuvent se marier légitimement, avoir des enfants selon ce qui est possible (gays vs lesbiennes). L'adoption canadienne est exclusivement plénière, ce qui efface donc toute trace de la filiation biologique le cas échéant. Bref, deux parents et non plus obligatoirement un père et une mère. Tout ça existe ici. C'est relativement récent, mais je ne vois aucun débat de société sur cette question. Même l'Église catholique ne s'y oppose pas ou si peu, du moins sur la place publique. C'est donc devenu normatif: on peut se marier deux personnes quel que soit le sexe et avoir des enfants quelle que soit la composition du couple.

    C'est ici que j'arrive à la question anthropologique: cette science est surtout une science de l'observation. Les explications qu'elle donne sur les moeurs, les coutumes, les rites, bref les cultures humaines de différents temps et lieux sont sont le plus souvent des interprétations provenant d'un oeil extérieur. On n'est jamais vraiment anthropologue de sa propre culture! Ainsi donc, qui pourra dire, maintenant, dans dix ans, dans 50 ans, que la société québécoise a dévié profondément en passant d'une civilisation uniforme fondée sur la famille traditionnelle en une civilisation pluraliste qui laisse place à de multiples formes familiales (n'oublions pas que le Québec est le chef de file mondial de l'union libre (32%) et des familles monoparentales (16%) et des familles recomposées (16%) ?

    Au moment où j'écris ceci, il n'y a rien qui laisse présager la chute de notre société. Nous avons un gouvernement qui fait des lois. Nous vivons en paix. Notre économie ne tourne pas si mal. Et puis, oui, des enfants sont élevés par des couples homosexuels! La banalisation de ces nouvelles situations fait qu'elles semblent laisser moins d'empreintes psychologiques sur les enfants que les autres clivages pauvres/riches; premiers-de-classe/retardés; valides/handicapés, beaux gosses/mochetés, etc. Bref, même si je partage en grande partie la réflexion qui a cours actuellement en France, notamment parmi les cercles chrétiens, je ne vois pas arriver ici l'apocalypse que tout le monde prévoit pour votre pays. Un anthropologue européen qui viendrait étudier notre culture, nos moeurs pour en interpréter les symboles, les coutumes, etc. pourrait-il conclure que notre développement sociétal est une catastrophe pour la dignité humaine? Je ne le crois pas, en tout cas pas à ce point, d'où le paradoxe permanent avec lequel je dois composer... 

    Quant à la définition du mariage comme tel, bien peu de gens se baladent avec une copie du code civil dans les poches pour se rappeler qu'ils forment la cellule de base de la société et que leur union n'est pas d'abord basée sur l'amour, mais plutôt sur "un engagement en vue d'assurer la protection des deux contractants et plus particulièrement de leurs enfants" ! Ici, des gens s'aiment. Ils se mettent ensemble. Certains d'entre eux voudront sceller cet amour par une union. Ils ont le choix d'un mariage civil pour tous ou bien d'un mariage religieux (hétéro et homo dans l'Église unie; uniquement hétéro dans l'Église catho). Et quand ils ne s'aiment plus, ils se séparent et divorcent. Et ils trouvent quelqu'un d'autre à aimer. Les enfants sont baladés d'une "cellule" à l'autre. Je trouve cela tragique pour eux, mais il ne semble pas (ou plus) que ces séparations soient différentes ou plus nombreuses lorsqu'il s'agit de couples homos. On pourrait même penser le contraire actuellement... 

    Voilà je partage tout ceci avec toi, en toute simplicité. Au plaisir d'en discuter. 

    2
    LEMAITRE
    Lundi 1er Octobre 2012 à 15:00

    La question du Mariage, est la question de l'identité à construire....

    Au fond dans ces débats on parle peu en réalité du désir de l'enfant....Que pense l'enfant de la complémentarité que lui apporte l'altérite d'un Père et celle de sa Mère..

    La conjugalité parentale structure sans aucun doute l'identité de l'enfant,... bien entendu lorque les parents Homme et Femme sont réellement présents dans le foyer et construisent ensemble ses repères...

    Il me semble par ailleurs qu'un homme ne remplit pas tout à fait la même fonction en regard de ce qu'une maman peut apporter à ses enfants....or toute notre société de par ses mutations et ses ruptures  est en réalité destructurée, fondant les identités de l'homme et de la famme qui deviennent asexués au nom du principe d'égalité....D'ailleurs on ne parle plus de sexe mais de genre, terme plus policé, pudique mais qui est une façon de faire disparaître l'identité dans les rapports....

    Or tout un courant de pensée n'a pas vocation à défendre l'épanouissement dans la complémentarité, la différence des deux sexes...le faire sens d'être deux mais dans des identités avec vocation à engendrer la vie...Une vie emanent de la fusion de deux chairs....La poursuite de l'image de soi dans le projet amoureux et fusionnel...Je suis lyrique mais après tout, comme on semble minoritaire à défendre le mariage d'un homme et d'une femme....

    Pour souligner le changement de paragdime, les bouleversement sociétaux, revenons à quelques décennies en arrière,  rappelons qu'autrefois le Père pourvoyait aux ressources de sa famille, la Mère s'épanouissait au sein du Foyer, je dis autrefois, mais cela donnait du sens à la vie à deux, à la stabilité en réalité du mariage (on me citera volontiers des exemples contraires, or jamais cette dernière décennie n'a autant compté de foyers recomposés)...; Evidemment le propos peut être ^perçu comme démodé, très idéalisé....Mais la société était ainsi rythmée, or force est de constater les fragilisations multiples qui se font jour aujourd'hui chez les couples. Ces fragilisations amènent davantage de frustrations, de violences, de perturbations chez les enfants, de quêtes de sens qui se font hélas avec beaucoup de douleurs dans leurs coeurs....

    L'enfant dans tout ça est le coeur du sujet...Qu'est ce que nous voulons aujourd'hui pour l'enfant...Doit-il ête objet de désir, ou le projet affectif ? Telle est la  bonne question qui doit être proposée posant du coup une réflexion sur les problématiques de nos schémas sociétaux tels que nous les vivons dans cette société aux valeurs plus modernes mais qui peut porter égalment en elles les valeurs du désenchantement..... 

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