• Les notions d’autorité et d’obéissance font-elles encore sens à l’aune des transformations idéologiques de notre société ?

    Un texte de Jean L'Amandier

    Dans certaines situations légitimes, nous pouvons contester tout comme entrevoir les limites des notions d’autorité et d’obéissance. Nous voyons bien l’excessive uniformité, l’outrancière codification vers laquelle glisse subrepticement notre société qui fera demain obstacle à la responsabilité de chacun, à la libre conscience.

    Nous identifions ainsi toutes les problématiques d’une conception idéologique de l’homme,  liées au cadre d’application et de mesures que les lois prennent pour introduire une nouvelle orientation sociétale risquant de violer les libertés les plus fondamentales de l’individu et sa libre conscience.  Pourtant la pensée chrétienne n’est pas l’insurrection face aux lois iniques mais notre posture est celle de l’éveil des consciences, de dénoncer les lois arbitraires sans saper ce qui fonde le socle social et la légitimité de l’autorité comme le rappelle l’apôtre Paul dans son épître aux Romains : « C'est pourquoi celui qui s'oppose à l'autorité résiste à l'ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes. » (Rm 13 : 2)

    Dans des univers et des crises où les mots ne font plus nécessairement sens, il est sans doute utile de redécouvrir les dimensions qu’ils incarnent. Dans ce contexte les mots autorité et obéissance interrogent et questionnent nécessairement. Comment ces deux mots dans leurs valeurs premières devraient dès lors éclairer nos approches et pratiques tant au niveau privé, social que public ?

    Une vision valorisée des termes autorité et obéissance

    L’origine comme le sens sémantique des notions d’obéissance et d’autorité apparemment antinomiques ne font véritablement sens et lien que dans la construction étymologique.

    En partant du verbe obéir, la racine latine du nom obéissance est "ob-audire", racine construite autour du préfixe latin "ob" et "audio" (verbe latin "audire"). Le terme obéissance signifie dès lors dans son acceptation positive écouter (audire) attentivement quelqu'un, en étant devant lui (ob-).

    Dès lors, dans une vision constructive, l’obéissance nous renvoie étymologiquement à une dimension vertueuse s’inscrivant dans l’écoute. Dans cette dimension de l’écoute, l’obéissance s’inscrit comme une vision normative qui valorise les règles nécessaires à l’organisation sociale. Ainsi le texte de Saint Paul est de ce point de vue éclairant et conforte cette vision normative : « Le magistrat est serviteur de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains ; car ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal. » (Rm 13 : 4-5)

    En revanche l’autorité est étymologiquement adossée au mot latin auctoritas qui dérive d’un verbe qui signifie « faire croître ».

    L’autorité bien comprise n’est dès lors nullement associée à un pouvoir autoritaire et arbitraire (autoritarisme). L’autorité serait plutôt une disposition d’esprit qui favorise la croissance d’une autre personne par la volonté de transmettre en vue du bien commun.

    L’autorité serait ainsi à rebours de l’autoritarisme, de la vision directive, de la volonté de toute-puissance. Elle serait fondée sur la notion d’expertise, la reconnaissance d’une compétence, d’un savoir qui fait également référence, nécessaire pour le bien commun.

    À travers cette approche de l’autorité, nous pourrions le traduire par le souci de l’autre : on attend précisément d’une autorité qu’elle soit magnanime et que, loin de penser d’abord à elle-même, elle soit avant tout habitée par une forme de dévouement auprès de ceux et celles qui lui sont confiés - et cela en vue de leur croissance. D’une telle autorité, on pourra concéder volontiers : « il en impose par sa seule présence, il fait vraiment autorité ».

    Les sources de l’Autorité

    Au fond la question est d’où vient la légitimité de l’Autorité, en quoi devrait-elle s’imposer dans un sens qui ne soit pas tyrannique.

    Dans Economie et société, le sociologue allemand Max Weber (1869-1924) analyse les types d'autorité et de domination qui sont pour lui des formes de légitimation du pouvoir :

    - « La forme traditionnelle » repose sur une dimension culturelle, cette forme traditionnelle résulte de la transmission de la tradition « le respect sacré des coutumes et de ceux qui détiennent du pouvoir en vertu de la tradition ».

    - « La forme légale  de l’autorité se fonde sur la validité de la loi, établie rationnellement par voie législative ou bureaucratique ».

    - « La forme charismatique repose sur le dévouement des partisans pour un chef en raison de ses talents exceptionnels ».

    Pour Max Weber « Ces trois types de légitimité/autorité sont dans la réalité juxtaposés et enchevêtrés. »

    Quelles sont les résonances des mots Autorité et obéissance, à quoi font-ils écho ?

    L’autorité est souvent associée à l’idée d’organisation sociale et par voie de conséquence à celle de l’état qui exerce son pouvoir sur ses sujets. Cependant l'autorité n'est pas toujours corrélée à un quelconque pouvoir. Il y a quelque chose de plus transcendant que le pouvoir, voire qui le dépasse, sur un plan strictement organisationnel. Une hiérarchie peut en effet reconnaître une autorité de compétence chez un subordonné, une expertise chez un simple sujet, un savoir qui a une prépondérance sur une décision où une orientation qui pourrait être prise. Ne parle-t-on pas d’autorité en matière d’éthique ou d’autorité morale, parentale, l’autorité d’un enseignant par exemple, une autorité qui peut même se confondre avec la maitrise technique ou scientifique ? D’une certaine façon l’autorité dans son essence, et son principe naturel s’impose à toute autorité. Il en va ainsi de l’autorité d’un Père et d’une Mère sur leur enfant, s’ils ne viennent pas bien entendu enfreindre l’esprit de la loi naturelle, telle que le rapportait Aristote puis Thomas d’Aquin (leurs conceptions philosophiques de la loi seront rappelées dans ce texte).

    La notion d'autorité renvoie au caractère de ce qui est nécessaire, de ce qui naturellement légitime dans une optique de bien commun. L’autorité est l’un des piliers structurant qui permet l’organisation et la gouvernance de toute société et qui la rend légale pour le plus grand nombre. L’autorité suppose en conséquence qu’elle soit construite, argumentée et comprise. L’autorité ne conduit pas de fait à la soumission des sujets mais à leur assentiment du fait de l’intérêt commun qu’elle sert. Ainsi quand l’autorité est injuste, elle suscite  frustrations et rébellion.  A contrario quand l’autorité est juste, elle devrait conduire à l’obéissance qui ressource.

    Dans cet ordre d’idées définissant la dimension de l’autorité, nous trouvons intéressant que le concept d'autorité soit associé à une autre notion : celle de faire croître celui qui en bénéficie. Au fond associer la dimension de l'autorité à celle de croissance de l'individu est une pensée qui traverse les évangiles. Jésus parle de l’autorité du Père qui lui confère tout pouvoir. Dans le même contexte,  les évangiles, rapportent cette scène ou Jésus est interpellé sur ses actes « Par quelle autorité fais-tu cela … ? ». L’autorité spirituelle de Jésus est ici génératrice de fruits visibles par tous et en outre influe sur notre propre croissance intérieure.

    A l’envers du pouvoir divin, le pouvoir humain reste temporel. Or l'autorité a en revanche une dimension structurelle comme pour stabiliser, rendre pérenne les relations dans une dimension de bienveillance vigilante. La conception de l’autorité de l’état chez les protestants et notamment chez l’un des penseurs comme Calvin, affirme que la gouvernance assurée par la nation est instituée par Dieu. La magistrature relève de Dieu comme le souligne l’apôtre Paul dans Romains 13.1 « Chacun doit se soumettre aux autorités qui exercent le pouvoir. Car toute autorité vient de Dieu ; celles qui existent ont été établies par lui ». L'État porte symboliquement le glaive de manière appropriée, mais seulement dans les limites de la justice divine. Ni la tyrannie ni l'anarchie dans ces contextes n’ont stricte sensu en soi de  légitimité.

    Pour que l’obéissance à l’autorité, que nous évoquons fasse sens « Il faut que l’autorité qui existe soit ordonnée à une fin… », indique l’ancien résistant Français Officier de la Deuxième DB Jean Raison « … qu’elle permette le dialogue et engage le supérieur vis-à-vis de ses subordonnés »[2].

    Nous parlons d'autorité quand elle fait référence à la compétence, d'autorité du chef de famille quand ce dernier se porte garant d'une forme de protection. Le thème même de l’autorité est abordée dans  la première épitre de Pierre (2P 2.13-14)  « Soyez soumis à tout ordre humain, à cause du Seigneur ; soit au roi, comme souverain ; soit aux gouverneurs, comme délégués par lui pour punir ceux qui font le mal et pour louer ceux qui font le bien. »

    Que dire face à un Etat qui tente de susciter une nouvelle orientation sociétale, qui cherche à imposer par ses lois une conception idéologique de l’homme qui est problématique parce qu’elle heurte notre conscience ?

    Ainsi comprendre les sens donnés aux notions d’autorité et d’obéissance nous apparait nécessaire notamment si l'on considère le climat culturel actuel ; climat qui conteste la notion d’autorité évoquant parfois une notion de pouvoir arbitraire et violent. L’autorité se reconnait ainsi dans la liberté de l’obéissance donnée à autrui. Si l’autorité ne reconnait par cette liberté de l’obéissance, elle devient liberticide, elle est pareil à un pouvoir qui assujettot.

    Il faut ainsi se souvenir que nos aspirations les plus profondes touchant la conscience et la liberté peuvent aussi entrer en conflit avec les projets d’une société en crise. Faut-il en appeler à la révolte, à la rébellion ? Notre réponse est évidemment non ! Le devoir de tous est de demeurer dans la bienveillance, de trouver nonobstant les moyens d’alerter, de prévenir et de réfléchir. C’est là que nous décidons de prendre la plume pour donner du sens aux mots et, en appréhendant leurs contextes, alerter les consciences.

    En prolongation de la réflexion partagée plus haut, citons l’extrait d’un texte[3] remarquable de Michel De Jaeghere, journaliste et écrivain français. Dans ce texte aux Veilleurs[4], l’écrivain partage une pensée sur l’esprit de la loi. Ainsi l’auteur mentionne que « la loi est héritière de la pensée classique », que la tradition de l’Eglise s’est inscrite dans ce sillage.

    L’écrivain faisait sans doute référence à Cicéron, « Il est, en effet, une loi véritable, la droite raison conforme à la nature, immuable et éternelle qui appelle l’homme au devoir par ses commandements et le détourne du mal par ses défenses et dont les commandements ni les défenses ne restent jamais sans effet sur les bons, ni sans action sur les méchants. On ne peut ni l’infirmer par d’autres lois, ni déroger à quelques-uns de ses préceptes, ni l’abroger tout entière. Ni le sénat, ni le peuple ne peuvent nous soustraire à son empire ; elle n’a pas besoin d’interprète qui l’explique. Il n’y en aura pas une à Rome, une autre à Athènes, une aujourd’hui, une autre demain, mais une seule et même loi éternelle, inaltérable qui dans tous les temps régit à la fois tous les peuples. Et l’univers entier est soumis à un seul maître, à un seul roi suprême, au Dieu tout-puissant qui a conçu et médité cette loi. La méconnaître, pour un homme, c’est se fuir soi-même, renier sa nature et par là même subir les plus cruels châtiments, lors même qu’on échapperait à tout ce qu’on regarde comme des supplices. »

    Dans l’absolu, l’autorité a ainsi sa source dans la loi, dans la loi naturelle. L’idée même de la loi naturelle est reprise par Thomas d’Aquin « Toute loi portée par les hommes n’a raison de loi que dans la mesure où elle découle de la loi naturelle. Si elle dévie en quelque point de la loi naturelle, ce n’est plus alors une loi, mais une corruption de la loi. »

    Jean-Paul II renchérit en parlant, sur le même sujet d’une « tragique apparence de loi » à laquelle toute conscience éclairée se doit de faire objection.

    Poursuivant sa réflexion le journaliste indique alors que « s’opposer à la loi Taubira était un devoir. Exiger son abrogation en est un autre. L’une et l’autre attitude relèvent en effet de la véritable obéissance aux lois, aux lois non écrites qui sont inscrites dans le cœur de l’homme, à la loi naturelle et à l’ordre du monde, tels qu’ils sont connaissables par la droite raison. C’est en restant fidèle à ces lois que nous continuerons à n’être ni esclaves ni sujets de personne, que nous continuerons d’être libres. »

    Malgré l’injustice de la loi, rien ne légitime qu’il faille ébranler les socles des institutions.

    Les transformations actuelles opérées par les lois sont de nature à nous interroger sur le sens même de l’autorité, d’autant que ces lois réécrivent l’idée que nous nous faisions de la morale. Ces lois qui découlent du choix d’un électorat démocratique doivent-elles toujours nous conduire à obtempérer ?

    Socrate en prison, même condamné à mort, n’entend pas échapper à un verdict inique après son procès. Il refuse l’offre pressante qui lui est faite de s’échapper « parce qu’enfreindre la loi en échappant, par fraude, à ses juges, reviendrait, comme à nouveau le rappelle l’écrivain Michel De Jaeghere, à frapper sa patrie en sapant les fondements de l’Etat ».

    Aux yeux du philosophe, même injustement appliquée, la loi doit être souveraine. Rien ne justifie l’insoumission, la rébellion. Une loi  même contestable ne légitime pas que l’on dénonce pour autant les fondements qui font le socle des institutions.

    Dans ce contexte, à première vue, les termes d’obéissance et d’autorité en termes d’image forment ainsi comme des clans opposés, n’offrant aucune possibilité de trait d’union : l’autorité commande, l’obéissance obtempère ; l’obéissance n’a plus qu’à se soumettre même face à l’iniquité de la loi.

    Cette première lecture est, nous vous l’accordons, provocatrice. De prime abord, elle nous fait percevoir une forme d’astreinte, de violence, de servitude et de contrainte sous le joug d’une toute puissance nommée autorité (de la loi).

    Or, au-delà des contextes de la loi même arbitraire, il importe de ne pas méconnaitre l’étymologie des mots. Les mots  autorité et obéissance font incontestablement sens et portent en soi des valeurs dans lesquelles chacun peut reconnaitre le bien fondé.

    Même si le bien-fondé de l’autorité a un caractère légitime pour éviter les dérives d’un laxisme non raisonné, l’autorité ne saurait pour autant s’imposer en toutes circonstances pas plus que l’obéissance lorsque sont mis en péril le bien commun, lorsque la gouvernance s’affranchit des limites qu’imposent l’éthique, la loi naturelle et une transcendance supérieure aux lois. « L’homme en effet ne saurait être la mesure de toutes choses » comme l’affirmait Socrate. Dans le même esprit et à l’instar de Simone Weil citons ce texte splendide «  L’obéissance est le seul mobile pur, le seul qui n’enferme à aucun degré la récompense de l’action et laisse tout le soin de la récompense au Père qui est dans le caché. A condition que ce soit l’obéissance à une nécessité non pas à une contrainte »[5]. Nous nous ne soumettons  pas ainsi à une contrainte mais nous obéissons à la nécessité lorsque la nécessité est impérieuse et vise le bien commun. Pour autant et nous le répétons ici clairement, rien ne légitime la révolte, l’insurrection même vis-à-vis de l’injustice et l’opprobre d’une loi susceptible de mettre en péril les fondements mêmes de l’humanité.

    Les termes d’autorité et d’obéissance sont-ils conciliables ?

    L’histoire humaine a été traversée par de grands troubles, jalonnée par des révolutions sanglantes, des épisodes d’une histoire féroce, contestant les autorités en place, renversant des régimes parfois injustes, des tyrannies barbares, des despotismes liberticides. L’histoire humaine est aussi marquée par des périodes tragiques, d’oppression où l’homme fut parfois réduit à l’état d’esclave, sa conscience souvent anéantie. 

    Dans ces contextes, les termes d’autorité et d’obéissance peuvent susciter incompréhension et rejet, ne plus faire sens en regard des problématiques posées à la liberté de l’homme. Une dimension ontologique d’une liberté de conscience enfermée, opprimée par le poids des idéologies ne visant ni l’épanouissement, ni l’affranchissement mais a contrario imposant une nouvelle lecture de l’homme conduit inévitablement à une conception de l’autorité et de l’obéissance comme n’allant pas de soi. Forcément les lois injustes questionnent notre conscience et comment de fait devons-nous nous positionner, afficher nos convictions ?

    Existe-t-il alors des limites qui s’imposent à l’obéissance face à l’autorité ?

    Force est de reconnaitre que la volonté politique quels que soient les clivages gauche, droite comme celles des idéologues et des média sont de faire disparaitre la religion de l’espace public. La volonté de se débarrasser de la conscience chrétienne est devenue ainsi un événement  politique de premier plan.

    Si l’état n’est pas tyrannique en France, par bien des aspects il pourrait s’apparenter à un régime en passe de devenir totalitaire par cette volonté de séculariser la société et d’expurger toute référence culturelle ayant trait à la religion chrétienne.

    Dans ces contextes, le citoyen est-il obligé en conscience de suivre les prescriptions des autorités civiles quand ces préceptes bouleversent et inversent les rapports que nous enseignent les lois naturelles celles du décalogue, l’héritage de nos traditions culturelles ?

    Ce même citoyen est-il obligé de suivre les principes idéologiques de la loi qui sont de nature à provoquer sa libre conscience en mettant en péril les fondations touchant le bien commun ?

    Nous comprenons fort bien quand le bien commun est en péril de revendiquer la libre conscience, d’opposer à la loi des hommes la loi naturelle fondée sur la bienveillance de l’autre, du plus vulnérable, de l’immigré, de l’exclu.

    Les lois du décalogue ont été données à l’humanité, ils constituent des prescriptions fondatrices sur les rapports humains, les relations au sein d’une civilisation.  

    Dans un contexte biblique et dans le prolongement des lois divines, les dix commandements, « le magistrat est serviteur de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains ; car ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal." (Rom. 13.4-5).   Nonobstant le législateur doit apprendre en quoi consiste leur vocation en se référant à une citation de Pausanias « La loi doit avoir autorité sur les hommes, et non les hommes sur la loi. ». En effet, le législateur n'est pas appelé à exercer sa fonction dans son propre intérêt, mais dans une seule perspective  : celle de servir le bien commun. Il n'est pas supposé non plus détenir un pouvoir sans borne, mais doit se cantonner au bien-être de ses sujets; en bref, il est responsable devant Dieu et devant les hommes dans l'exercice de son pouvoir.

    Nous devons promouvoir au sein de nos institutions l’objection ou la libre conscience

    Nous voyons aujourd’hui l’émergence d’un projet de société visant à organiser juridiquement la conception que nous nous faisions des relations des hommes et des femmes. Nous voyons ainsi s’imposer l’émergence d’une nouvelle anthropologie à rebours de celle issue du réel, de nos convictions philosophiques ou religieuses. 

    Une forme idéologique travestie par l’habillage de l’arsenal juridique est de nature à limiter l’expression de la conscience et ce à tous les échelons de la vie sociale à commencer par l’école.

    Dans ces contextes, plusieurs auteurs comme Hannah Arendt, Tocqueville, Georges Orwell ont souligné les problématiques d’une évolution de sociétés porteuses d’idéologies totalitaires et du masque de la pensée arbitraire. Nous prenons tous résolument conscience que certaines idéologies sont bien de nature à heurter des convictions religieuses, morales ou d’éthiques. Or lorsque ces idéologies se sont imposées dans un cadre démocratique, l’idéologie ainsi acceptée par les urnes devrait-elle alors s’imposer ? Un ami avocat m’évoquait en privé que c’est la loi et que la loi est faite pour tous, qu’elle n’est pas nourrie par l’exception ; la transgresser relèverait forcément d’un comportement anti-citoyen, à la limite serait porteur de germes insurrectionnels.

    Nonobstant à ce devoir d’obéissance que nous entendons aussi plaider, ne serait-il pas pour autant légitime de soustraire nos enfants de l’obligation éducative qui leur sera faite de suivre les enseignements idéologiques issus des études du genre ? Devons-nous passivement accepter que l’on procède à une forme de formatage de la pensée au détriment de la transmission légitime des parents ?

    Nous faut-il nécessairement alors reconnaitre l’autorité de la loi qui s’imposerait à chaque citoyen ? Ne serait-il pas légitime de faire objection à cette loi, d’invoquer la clause ou l’objection de conscience ? Pour notre part nous plaidons l’objection de conscience permise par la loi et dont bénéficient les journalistes. La clause de conscience est en effet  un droit dévolu en France aux journalistes qui leur permet, en cas de changement  de modification de la ligne éditoriale de l'organe de presse, de démissionner tout en entrainant l'application du régime juridique du licenciement.

    N’est-ce pas là une piste de réflexion à engager, pour permettre aux familles d’éviter la contrainte de l’autorité de la loi qui par sa nature, heurterait à l’intime conviction ? L’autorité doit permettre à mon sens le consentement libre de la conscience et non l’obéissance servile.

    Souvenons que le 10 décembre 1948, 58 États dont la France ont adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme à Paris au Palais de Chaillot. L’article 19  rappelle « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. »

    Les éclairages  données par les écritures sur les mots obéissance et autorité

    La Bible montre clairement que l’ « autorité » de jésus se confond positivement avec sa propre « obéissance » envers le Père.  Les notions d’autorité et d’obéissance sont mêlées, c’est l’obéissance de Jésus qui donne une dimension à son caractère. Ce caractère doux et humble fait autorité pour les chrétiens. L’obéissance comme modèle inspire chacun d’entre nous, nous motivant à le suivre.

    Le Nouveau Testament n’exprime pas la notion d’obéissance à partir de la « soumission ». L’obéissance n’est ici ni soumission ni inféodation. L’obéissance est assimilée à celle de disciple. La notion d’obéissance est traduite par le terme grec hypakoè qui est construit à partir du verbe akouein, « écouter ».  Jésus est dans une relation de filiation ; comme Fils il écoute le Père et lui obéit.

    L’obéissance de Jésus est ainsi liée à la dimension de l’écoute, une attitude de cœur. L’écoute développée par Jésus est une écoute active. le Fils de Dieu ne se contente pas de « regarder comme dans un miroir », Jésus fait  la volonté de son Père, il la met lui-même en pratique.

    Tout ce que Jésus accomplit, il le fait et s’enracine dans une démarche de cœur à cœur de celui qui l’a engendré.

    L’évangile de Jean souligne que « Le Fils ne peut faire de lui-même rien qu’il ne voie faire au Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement » (Jn 5,19).

    L’« autorité » de Jésus découle dès lors de son obéissance filiale, cette « perception par l’intelligence », cette écoute du Père, cette obéissance du fils est en fait l’expression de son amour pour le Père. Les écritures  révèlent que l’obéissance de Jésus est salutaire : c’est « par l’obéissance d’un seul, écrit l’apôtre Paul, que la multitude sera rendue juste » (Rm 5 : 19). La manifestation de l’autorité de Jésus se manifeste par la capacité de faire croitre ceux qui l’écoutent, par celle de les conduire au changement, à une transformation souvent radicale, un chemin de conversion.

    Jésus est l’autorité incarnée, mais paradoxalement n’énonce pas la moindre injonction à ses disciples. La manifestation de cette autorité concerne les éléments naturels qu’il commande, la maladie qu’il guérit, il ordonne également aux démons de lever toute emprise sur les hommes. Le seul commandement de Jésus fortement prescrit à l’ensemble de ses disciples qui le suivent, est celui de l’amour « Je vous donne un commandement, aimez-vous les uns et les autres ».

    Conclusion

    Nous prenons conscience que nos démocraties occidentales évoluent vers une forme de pensée unique imposée par la bien-pensance politique et médiatique. Par exemple la sécularisation est en marche dans notre société et à coup de boutoir, la religion est une dimension sociale que l’on aimerait expurger comme une conscience qui s’oppose à une course vers l’égalitarisme. Cette laïcisation en marche évolue vers une forme de pensée tyrannique à l’égard des églises.

    Nous réalisons alors que la tyrannie n’est pas l’autorité telle que nous l’entendons et l’avons définie. Elle s’adosse à une idéologie dont la conception est d’imposer une religion ou une conception de l’homme, de l’imposer non par la violence mais d’une façon subtile et douce où toute pensée contraire devient suspecte, rejetée, et sera demain brimée de façon à humilier celui qui ose s’opposer à la bien-pensance.

    La volonté des pouvoirs idéologiques, à rebours de l’autorité visant le bien commun, n’est pas l’obéissance mais une forme de soumission exigée. Or nous le voyons bien, pour y parvenir il faut atomiser l’homme, isoler les individus, les convaincre que la liberté est de s’affranchir de toute transcendance, de toute relation à une quelconque religion. L’autorité n’est plus de facto une délégation de Dieu : « l’homme devenant la mesure de toutes choses » devient alors sa propre autorité. 

    "La domination totalitaire est un nouveau type de régime en cela qu'elle ne se contente pas d'isoler l'individu, elle détruit également la vie privée. Elle se fonde sur la désolation, sur l'expérience d'absolue non-appartenance au monde, qui est l'une des expériences les plus radicales et les plus désespérées de l'homme. » Hannah Arendt (1906-1975) – Le Système totalitaire. Seuil1972.

     


    [2] La Formation du Manager de Jean Raison Résistant Officier de la deuxième DB Ingénieur et Dirigeant d’Entreprise p50

    [3] http://www.les-veilleurs.eu/wp/texte/reflexions-sur-la-loi/

    [4] Les veilleurs forment un mouvement non-violent, né spontanément en marge de la contestation de la loi du « mariage pour tous » dans la nuit du 16 avril 2013.

    [5] Simone Weil La pesanteur et la grâce Plon 1948 p 56.

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  • Commentaires

    1
    ruth51
    Jeudi 28 Novembre 2013 à 15:17

    Merci de mettre en mots et de donner du sens au questionnement sur l'état de notre société et sur la responsabilité de nos dirigeants et par voie de conséquence notre responsabilité de citoyen et de chrétien.

    Merci de la clarté de votre cheminement  et de la réponse que vous apportez.

    Marie Durand  gravait sur le pierre du mur de sa prison : "Résistez". nous sommes dans ces temps.

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