• Notre rapport au passé est loin d'être évident

    Raymond PfisterUne pensée de Raymond Pfister

    Faire appel au bon sens, n’est-ce pas une évidence partagée par tous, surtout quand faire preuve de bon sens semble tellement naturel ?
    On avance un argument qui devrait, semble-t-il, être franchement convaincant et déjà on pense avoir affaire à une logique au-dessus de tout soupçon qui ne peut que susciter le ralliement enthousiaste.
    Point de doute possible !?!

    Hélas, il n’en est rien, car les convictions des uns ne sont pas celles des autres, et il n’y a rien d’uniforme dans notre rapport au passé.
    C’est pourquoi, il faut oser douter de ces démonstrations qui ne demandent qu’à nous convaincre. Car oui, le doute peut être salvifique… à condition que cela serve de tremplin pour tout d’abord se remettre en question soi-même… dans le but d’apprendre quelque chose qui nous sera bénéfique. Bien sûr, il y aura toujours ceux qui sont tellement sûrs d’eux-mêmes qu’ils préfèrent se contenter de remettre en question les autres, quelquefois au point de moquer toute contradiction.

    Personne ne niera l’importance du passé, mais il ne faudrait pas assumer trop vite que tous en font la même lecture. Le rapport à notre passé est souvent plus affectif que rationnel. Avec l’Histoire en arrière-plan, on se met souvent à raconter ses propres histoires. Contrairement à la parcimonie lexicale française, la langue anglaise fait pour cela une distinction utile entre ‘history’ et ´story’.

    Je doute fort, par exemple, que tout le monde comprenne la même chose lorsqu’on parle de « racines chrétiennes ». Quand certains parlent de « culture chrétienne » à sauver, ils se réfèrent pour l’essentiel à un présumé âge d’or d’une chrétienté qui n’est plus (depuis fort longtemps !).

    Ceux qui continuent de croire en sa survie sont ceux qui ont probablement « louper son enterrement » (image parlante, s’il en est !)… et qui malheureusement confondent évangélisation et hégémonie culturelle. Comment oublier que l’ère chrétienne qui s’achève avait vécu sur le mode de la domination. Il n’était pas le royaume de Dieu sur terre - loin de là !

    Quel leurre que de croire qu’une idéologie fascisante ou un despotisme moralisateur, qui s’imposerait par la force, saurait restaurer une civilisation certes séculaire, mais inexorablement en déroute car d’un autre âge. Le problème que rencontre celui qui veut réaliser une utopie, c’est qu’il s’extrémise.

    Le christianisme doit inventer un autre mode d’existence qui est résolument tourné vers l’avenir.

    S’il ne s’agit pas de renier la réalité d’un passé complexe voire hétéroclite - heures glorieuses laissant souvent la place à des heures sombres -, il n’existe pas de chapitre de l’histoire fait pour s’y installer. Le retour en arrière restera toujours une fantaisie réservée à des nostalgiques apeurés qui se refusent à vivre dans un monde ô combien désorienté et, il faut le dire, désabusé à bien des égards.

    Il est grand temps en cette nouvelle année de relire les béatitudes, ce célèbre texte si méconnu dans lequel Jésus enseigne des leçons de bonheur pour une vie de plénitude dans un monde qui ne s’y prête pas.

    Raymond Pfister, Docteur en théologie
    ICHTHUS 21, Institut Européen d’Etudes pour la Réconciliation
    Fribourg (Suisse)
    ichthus21.eu

    PS: Pour certaines pistes de réflexion, je suis redevable au livre de Chantal Delsol, La fin de la chrétienté, paru aux Éditions du Cerf en 2021.

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