• Ecologie : uniformité ou biodiversité ?

    Un article de Nathanaël Bechdolff

    Nathanaël a partagé ce sujet dans l'atelier sur l'écologie à la convention nationale des églises baptistes 2016

     

    Ce que je vais partager aujourd’hui est inspiré d’un épisode bien connu de l’histoire biblique, la Tour de Babel, de Nimrod qui veut étendre son pouvoir hégémonique en se faisant dieu à la place de Dieu : un pouvoir qui se veut être concentré et uniforme. Or Dieu a créé une Terre où la biodiversité règne. Celle-ci est mise en péril par l’uniformisation, celle vécu à Babel, celle vécue aujourd’hui à travers ce qu’on appelle la mondialisation ou la « globalisation ». Quelle est alors notre responsabilité aujourd’hui et quels peuvent être nos engagements pour que cette biodiversité voulue par Dieu puisse être respectée ?

    Un petit schéma et une photo introduisent ou résument mes propos :

    La biodiversité de la Création

    Quand Dieu créa la Terre et tout ce qu’elle contient, il vit que cela était bon. Le livre de la Genèse (chapitre 1) parle de multitudes d’espèces d’animaux, de poissons, de plantes… Et l'Éternel Dieu fit germer du sol toutes sortes d'arbres agréables à la vue, et bons à manger (Genèse 2 v 5)

    En Ardèche où j’habite, j’aime me promener en pleine nature et admirer toute la nature si diverses : un arbre ne ressemble pas à un autre, même deux chênes verts ne sont pas identiques. Cours d’eau, pierres, paysages sont complètement différents à quelques kilomètres d’intervalle.

    Les végétaux, les légumes, les arbres fruitiers… ont naturellement une biodiversité qui permet à chaque variété de s’adapter à l’endroit où elle est plantée…

    Si vous réunissez 101 dalmatiens dans une pièce, vous vous apercevrez que chaque dalmatien a des tâches différentes de son voisin, aucune n’est identique. Nous-mêmes, nous sommes différents de notre voisin, et créés comme des êtres uniques, homme ou femme, avec un ADN (notre chaîne génétique) qui est complètement différente d’une autre personne. Nous avons bien des gênes communs avec nos parents, nos ascendants ou descendants, nos enfants mais la somme de nos gênes est unique faisant de nous des êtres très divers.

    En Genèse 10, le chapitre précédant le récit de la Tour de Babel, nous avons une liste de noms, les descendants de Noé mais aussi une liste de peuples montrant des cultures et des lieux de vie différents selon l’endroit de la Terre où ils se sont implantés : « selon leurs familles, selon leurs langues, dans leurs terres, dans leurs nations. » (Genèse 10 v 14)

    L’uniformisation en cours

    A tort il a souvent été enseigné que les différences de langues et de cultures proviennent de cet épisode de la Tour de Babel, cet enseignement laisse supposer une uniformité avant la dispersion liée à la Tour de Babel. Uniformité qui a été souvent recherchée et qui a été exportée de notre culture occidentale vers les pays colonisés.

    « Pendant de nombreux siècles et jusqu’à quelques décennies en arrière, il était évident pour la majorité des chrétiens, que la culture occidentale, tellement supérieure en terme de progrès aux autres cultures, était considérée comme étant LA culture du Royaume de Dieu et que les Eglises d’Occident avaient le devoir de civiliser le reste du monde. Aujourd’hui encore, il n’est pas difficile de trouver les traces d’une telle vision du monde quand on voyage dans les Eglises d’Afrique notamment ». Etienne Atger extrait de « la Tour de Babel » sur le blog ‘Un ailleurs si proche et si lointain’

    Au Tchad en 1994, pour une mission humanitaire avec MEDAIR, je me suis étonné de voir les pasteurs ou responsables d’églises habillés avec costume, cravate et veste. Inutile de vous dire que dans la petite église de Béré, ils nageaient dans la transpiration. De plus la plupart des africains n’avait aucun moyen de se payer ce costume européen. Après avoir discuté avec un des responsables, celui-ci m’a accompagné dans la ville voisine pour que je puisse me faire tailler un suit africain bien plus adapté à leur climat. Quelle libération pour ces tchadiens de voir un européen prendre leur costume et aller au culte ainsi habillé en respectant leur culture. A travers cette « civilisation européenne » qu’elle a exportée, l’Eglise a véhiculé l’idée d’une uniformité. En même temps le monde occidental a apporté ses propres travers lui permettant bien souvent « d’exploiter » les ressources et les personnes.

    C’est la violence du « même » (de la shoah, de ce qui est vain) qui veut tout uniformiser, égaliser, mettre au même niveau. C’est le symptôme de ce qui peut être appelé le syndrome de Babel, que j’appellerai l’esprit de Nimrod. (Genèse 10 v 8-9) Nimrod qui était puissant et rebelle à Dieu (son nom veut dire rebelle à Dieu), a bâti la Tour de Babel pour asseoir son pouvoir et dominer. La construction même de la Tour est très symbolique : elle est faite de briques et bitume. La brique est uniforme, faite dans un moule. Chaque homme doit donc rentrer dans un moule ! Le bitume est extrait du sol. C’est une opposition complète avec la construction en pierre et ciment. Eben, la pierre naturelle (en hébreu), aucune n’est identique ! C’est l’image du maçon qui doit calculer la dépense : où est la place de chaque pierre ? Et qui doit confectionner le meilleur ciment… Aucun homme, aucune culture, aucun peuple ne sont identiques.

    La concentration du pouvoir

    Selon Immanuel Wallerstein, sociologue américain et professeur honoraire d’universités dans plusieurs pays : « Le capitalisme est omnivore, il capte le profit là où il est le plus important à un moment donné ; il ne se contente pas de petits profits marginaux ; au contraire, il les maximise en constituant des monopoles - il a encore essayé de le faire dernièrement dans les biotechnologies et les technologies de l'information…. Le capitalisme, depuis sa naissance dans la seconde moitié du XVIe siècle, se nourrit du différentiel de richesse entre un centre, où convergent les profits, et des périphéries (pas forcément géographiques) de plus en plus appauvries. Il définit le capitalisme comme l’accumulation infinie de capital, en mettant l’accent sur le mot « infinie »

    « Accumulation infinie », celle que le monde financier a mise en place et que plusieurs scandales révèlent. L’affaire Panama Papers en est le dernier en date. Ce monde financier est un conglomérat où les sommes sont vertigineuses et dans lequel règne une opacité certaine. Selon certains rapports, seulement 20% du montant du bilan moyen des banques européennes est lié au financement de l’économie réelle, 80% est de la finance, des activités sans lien direct avec l’activité économique. En fait, on a perdu l’esprit d’entreprenariat pour aboutir à une financiarisation de l’économie. Les grandes entreprises comme Peugeot, Intermarché, les compagnies d’assurances comme AXA, Orange télécom deviennent des banques.

    Tant que vous êtes dans ce système financier et que vous pouvez « l’alimenter », tout va bien pour vous car vous rentrez dans le moule (vous êtes une brique de la Tour et le bitume vous colle à la peau sans pouvoir vous en dépêtrer). Mais dès que vous ne pouvez plus alimenter cette puissance financière, vous devenez un exclu de la société. Cette financiarisation du monde économique est une machine à créer de l’exclusion, un système qui met les personnes sur la paille sans hésiter.

    « La loi du marché est la loi du plus fort. Comment s’étonner qu’elle se traduise par le gaspillage aveugle des ressources, la concentration des pouvoirs, le recul du bien commun ? La liste est longue des désordres économiques et financiers dont les caractéristiques principales sont le développement exponentiel des inégalités, le maintien dans la pauvreté extrême et des formes de relégation. » Jean Rousseau, président d’Emmaüs International

    Il y a encore plus grave et inquiétant dans cet esprit de Nimrod, c’est l’accaparement du vivant via les biotechnologies, les brevets sur le vivant, les OGM, la production de semence, l’appauvrissement des terres à cause de l’emploi de la chimie, des pesticides dans l’agriculture. Le circuit est simple mais tellement efficace pour engranger des bénéfices pour des grands groupes d’entreprises chimiques mais aussi pour les banques qui financent cette agriculture moderne issue des années 1950 tout en endettant les agriculteurs.

    Tout ce système veut faire croire qu’il est indispensable pour nous nourrir mais 75% des besoins en nourriture sont produit sur la planète par des petites structures. L’agriculture industrielle sait produire en quantité mais la majorité des produits est utilisée pour les élevages ou pour l’agroalimentaire.

    S’emparer du vivant comme cherchent à le faire les grands groupes semenciers et phytosanitaires permettrait d’engranger des bénéfices colossaux tout en s’assurant une rente incontournable. On est dans un système pyramidal où 5 groupes semenciers détiendraient à l’avenir la possibilité de nourrir ou pas l’humanité, et garderaient les semences naturelles, le patrimoine génétique de la biodiversité, dans un immense coffre-fort en interdisant la reproduction de semence non brevetée.

    Le dernier point de cette « uniformisation » de la course au pouvoir est de manger le même hamburger ou boire la même marque de soda où que l’on soit dans le monde. Est-ce cela le libre-échange ? On arrive plutôt dans un système global où les différences seraient inexistantes et où seule une pensée unique dominante devrait régner. Pour le bénéfice de qui ?

    L’écologie, une solution afin de rétablir la biodiversité

    Cyril Dion, coréalisateur du film Demain avec Mélanie Laurent exprimait lors d’une interview que ce film reconnecte les personnes à quelque chose de positif et leur donne de l’espoir. En effet il ne sert à rien de dresser un tableau morose sans avoir des solutions à proposer. Il est de notre devoir de partager notre espérance et de l’annoncer à toute la création (Marc 16 v 15).

    « Si on considère la création de Dieu, il apparaît comme évident que la diversité fait partie de Son formidable projet. L’harmonie, ou la symphonie comme le dit l’hébreu, vient de cette diversité. L’unité ne peut se faire que dans ce cadre, elle devient alors richesse et force » Etienne Atger extrait de « la Tour de Babel » sur le blog ‘Un ailleurs si proche et si lointain’

    Si on part de l’analogie avec la Tour de Babel, il est important de se rappeler qui est la pierre (eben) d’angle et sur quel rocher nous bâtissons notre vie (Psaumes 118 v 22, Psaumes 31 v 3). Il me semble nécessaire que nous puissions défendre cette biodiversité voulue par Dieu et être engagé dans les mouvements écologiques, dans la défense de la nature, de notre humanité dans sa globalité et sa diversité.

    Se réapproprier la monnaie comme moyen d’échange à travers les monnaies locales complémentaires permet de créer du lien et de développer une économie locale à cent lieues du système spéculatif bancaire. Développer une économie sociale et solidaire est un autre atout permis par la législation.
    Quelles sont aussi mes attitudes de consommation, vais-je systématiquement dans une grande surface (et mon argent part ainsi dans la spéculation) ou est-ce que je privilégie les circuits courts, locaux et bio ?
    Plein de solutions existent pour une agriculture respectueuse de l’environnement comme l’agroécologie, la permaculture qui permettront de nourrir sans problème la planète demain grâce à l’amélioration de la fertilité des sols. De plus en revenant aux semences paysannes (c'est-à-dire produites et partagées par les paysans) la biodiversité est garantie et les semences locales sont bien mieux adaptées que les semences produites à l’autre bout de la planète

    En fait l’écologie devient comme un espace de partage entre les hommes à l’opposé de la « prison » où il est nécessaire de vouloir dominer l’autre pour s’enrichir. Ai-je besoin de tout ce que me propose la société de consommation actuelle ? Ai-je besoin de me sentir supérieur aux autres ?

    Je donne là quelques pistes mais les solutions sont nombreuses et diverses (incredible vegetables, mouvement de la transition, recyclerie, colibris, protection de la nature, etc.) qui permettent de préserver l’homme et la biodiversité.

    Dans un article du New York Times, j’ai été étonné de lire : « A la place de la République, le mouvement Nuit Debout a délibérément évité toute plate-forme politique ou de leadership structuré (mais hélas cela a généré des débordements incontrôlés que ne vivent pas d’autres mouvements de réflexion comme les Veilleurs). Les manifestants disent qu'ils veulent éviter une sorte de hiérarchie «verticale» qu'ils accusent de la paralysie du système actuel. Ils ont opté pour ce qu'ils appellent un mouvement «horizontal» qui tire sa force de la base populaire, de nos propres racines.

    De quoi réfléchir afin de remplacer la Tour de Babel et cette course au pouvoir hégémonique par la croix qui nous relie verticalement à Dieu et horizontalement à tout homme afin de partager, afin d’aimer comme nous devrions le faire dans un esprit de service, afin d’être proches de nos semblables… afin de remettre l’homme au cœur de notre système dans toute sa dimension humaine et dans toute sa diversité.

    Nathanaël Bechdolff

    Nathanaël Bechdolff a un brevet de technicien agricole. Autodidacte, ses diverses expériences, professionnelles ou non, lui ont permis d’acquérir des connaissances dans plusieurs domaines et d’être ouvert aux autres pour les partager. Paysagiste à son compte depuis 1998, il développe aujourd’hui un projet de jardin botanique des plantes de la Bible à Aubenas (Ardèche méridionale)

    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :