• Le combat du chrétien dans la Cité des hommes

    Un article d'Alain LEDAIN
    Une conclusion a été rédigée par Eric LEMAITRE

    Le titre de ce texte fait allusion à ce passage de La cité de Dieu de Saint Augustin : « Deux amours ont bâti deux villes : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu a fait la cité terrestre ; l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité céleste. L’une se glorifie en elle-même ; l’autre dans le Seigneur. L’une cherche la gloire qui vient des hommes (Jn 5, 44) ; l’autre met toute sa gloire en Dieu, témoin de sa conscience. L’une, gonflée de vaine gloire, élève la tête ; l’autre dit à son Dieu : « C’est toi ma gloire ; tu me redresses la tête » (Ps 3, 4). »

    Saint Augustin est né le 13 novembre 354 et il est mort le 28 août 430 à Hippone (dans l’actuelle Algérie). Il est contemporain du sac de Rome, trois jours durant, par le Wisigoth Alaric et ses troupes en août 410. Après cet évènement, plus rien ne sera comme avant – même s’il faudra plus de 60 ans pour voir l’éclatement politique de l’empire romain d’occident. Le sac de Rome marquera le signe de la fin de la civilisation gréco-romaine. Augustin comprit alors que nulle civilisation, nul empire humain n’est promis à une survie éternelle. Il écrivit le premier livre de « La cité de Dieu » (qui en compte 22) en 413.

    Une source : Inspiré de Didier Long, « Capitalisme & Christianisme – 2000 ans d’une tumultueuse histoire » p.8 – Bourin éditeur

    ***

    Nous sommes en une période de déconstruction culturelle et dans un vaste mouvement de laïcisation de la société. C’est ainsi que Jacques Attali propose « d’enlever de notre société laïque les derniers restes de ses désignations d’origine  religieuse » et d’attribuer des noms laïcs aux jours fériés dont les noms conservent encore une  connotation religieuse : « fête des enfants » pour Noel  et « fête de la liberté » pour Pâques. (Source : http://blogs.lexpress.fr/attali/2013/02/04/laiciser-letat-enfin/)

    Mais cette déconstruction va plus loin, plus profondément, notamment avec la « théorie du genre » et « le mariage pour tous », puisqu’elle touche aux fondements même de la famille. Elle remplace l'anthropologie biblique par une conception non chrétienne de l'homme et de sa vie en société.

    Pour paraphraser le psaume 46, « la terre est secouée, les montagnes s’effondrent, basculent au fond des mers, les flots des mers se soulèvent, grondent et bouillonnent et ébranlent les montagnes. » (Ps 46 :  3-4)

    De nombreux chrétiens en sont consternés, en sont tourmentés jour après jour dans leur cœur. Ils se sentent engagés dans un combat.

    C’est de la nature de ce combat dont j’aimerais m’entretenir avec vous, cher lecteur.

    Le combat du chrétien dans la Cité des hommes n’est pas un combat que pour des valeurs.

    Selon Mgr Daucourt, évêque de Nanterre, l'athée pieux défend aussi des « valeurs ». « Il s'engage généreusement dans des combats pour lesquels il fait référence à la morale chrétienne […] Mais la question demeure : croit-il que le Christ est vivant, qu'Il nous aime, qu'Il nous sauve […] ? Entretient-il une relation avec le Christ ? C'est en tout cela que consiste la spécificité de la foi chrétienne et non pas dans la défense de « valeurs » ou dans la générosité ou dans une morale, toutes réalités que vivent aussi les non-chrétiens. » (Source : http://plunkett.hautetfort.com/archive/2013/01/04/merci-a-l-eveque-de-nanterre.html)

    Abandonnerons-nous toute contestation des valeurs de ce monde ? Non pas ! Mais, nous ne perdrons pas de vue le but ultime : la personne du Christ. Il s’agit d’en être des témoins pour que d’autres Le rencontrent. La rencontre du Christ vivant est le point de départ, non premièrement de nouvelles valeurs, mais d’une vie nouvelle.

    Le combat du chrétien dans la Cité des hommes est spirituel.

    Depuis quelques années, je porte un regard sur notre société. D’autres amis chrétiens se sont lancés dans ce travail de décryptage et d’analyse. Pourtant, en rester au strict plan intellectuel a ses limites, nous en sommes bien conscients.

    Le livre de l’Apocalypse nous révèle que nous sommes limités dans notre perception et que nous assistons à une pièce d’un théâtre d’ombres. Nous percevons quelques ombres se projeter sur le monde. Elles ne sont que des manifestations des puissances spirituelles de séduction et de confusion.

    Ecrire aujourd’hui qu’une grande confusion règne et déstabilise la communauté humaine, quelle banalité !

    Ceci étant, Babylone qui symbolise précisément la confusion, mais aussi la décadence (l’impudicité selon Ap 14 : 8) et les abominations de la terre (Ap 17 : 5), Babylone qui « est devenue un antre de démons, repaire de tout esprit impur, repaire de tout oiseau impur, repaire de toute bête impure et détestable » (Ap 18 : 2), tombera malgré sa grandeur, malgré ses soutiens politiques et économiques. Telle est aussi notre espérance !

    Oui, « deux amours ont bâti deux villes ». La cité terrestre, dont Babylone est l’ultime représentation, est aujourd’hui caractérisée par la recherche du bien-être, trop vite confondu avec le confort matériel et l’hédonisme. Le paradis sur terre est son utopie, sa tentative de toucher au ciel... sans Dieu ! Dans la cité céleste sont recherchés la vérité, le bien et le beau c’est-à-dire le Christ, Son royaume et la justice de ce royaume.

    Ces « deux amours » cherchent aussi à bâtir deux christianismes. L'un est composé de ceux qui, centrés sur eux-mêmes, recherchent premièrement leur épanouissement ; l'autre est centré sur la gloire de Dieu et l'accomplissement de Son plan jusqu’au sacrifice.

    Quel amour habite notre cœur ?...

    Le combat spirituel inclut la prière mais pas seulement…

    Nos styles de vie doivent manifester que nous sommes la lumière du monde (Mt 5 : 14-16).

    Ainsi, par exemple, dans un contexte de rivalité et de compétition, nous sommes appelés à construire une société pacifiée, sur le respect et la coopération. Ainsi, alors que la théorie du gender est une réponse inappropriée à la domination de l’homme sur la femme, manifestons « de nouveaux rapports entre les hommes et les femmes, égaux en droits et d’une égale dignité. »[1] Et, comme je l’ai souvent écrit, le premier endroit où ces choses doivent se vivre, c’est dans l’Eglise de Jésus-Christ et ses familles.

    Pour reprendre Gandhi, « soyons le changement que nous voulons voir dans le monde », sinon nos prières risquent d’être vaines ! Soyons des modèles, des repères, des exemples et, pour reprendre des termes bibliques, soyons le levain dans la pâte de ce monde et le sel de la terre.

    Le combat spirituel n’est en aucun cas un combat contre des humains…

    « Car nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes. » (Ep 6 : 12)

    Sous prétexte d’être contre le « mariage pour tous », certains manifestent de l’hostilité envers les personnes homosexuelles car ils sont eux-mêmes mal affermis dans leur identité sexuelle. Une personne ne se résume pas à sa sexualité et, quoique l’on dise, l’homosexualité est source de profondes souffrances en elle-même. Un immense défi pour les pasteurs et ceux qui s’engagent spécifiquement auprès des personnes en mal de leur identité sexuelle ! Ils ont besoin de nos prières.

    Le combat spirituel n’est pas unilatéral...

    Depuis octobre 2012 et suite au projet de loi sur le « mariage pour tous », nous nous sommes concentrés sur l’anthropologie et l’éthique personnelle. Pourtant, nous aurions tort de penser que le combat du chrétien ne se situe qu’au plan de la ‘morale’ individuelle : de nombreux chrétiens sont engagés, entre autres, dans les domaines de l’écologie, de l’économie, du social, de la pauvreté, des arts et de la culture.

    Le combat spirituel n’a pas pour but l’instauration d’une théocratie ou une prise de pouvoir.

    Un rappel en deux points : Premièrement, l’exercice du pouvoir est un danger spirituel quant il est recherché pour lui-même et non pour servir le bien commun. Deuxièmement, l’un des apports essentiels de la foi chrétienne a été la séparation du religieux et du politique.

    Lors de son interrogatoire par Pilate, Jésus répondit « Mon royaume n'est pas de ce monde […] Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi afin que je ne fusse pas livré aux Juifs; mais maintenant mon royaume n'est point d'ici-bas. » (Jn 18 : 36)

    Précédemment, répondant à une question piège, il sépara la foi du gouvernement politique – Dieu de l’Etat – en affirmant « Rendez […] à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Mt 22 : 21) Une parole révolutionnaire à une époque où la personne de César était considérée comme sacrée et divine. Obéir à César n’est plus la même chose qu’obéir à Dieu.[2]

    La finalité du combat spirituel n'est pas l'exercice d'un pouvoir.

    Je pourrais encore citer cet autre passage de l’Ecriture : « Quelqu'un dit à Jésus, du milieu de la foule : Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. Jésus lui répondit : O homme, qui m'a établi pour être votre juge, ou pour faire vos partages ? » (Lc 12 : 13-14) En n’intervenant pas dans le partage de l’héritage, Jésus n’use pas d’une quelconque autorité civile ; ce qui ne l’empêche nullement, aux versets suivants, d’interpeller ses auditeurs à propos de l’avarice.

    Ne pas rechercher l'exercice d'un pouvoir n’exclut pas de jouer un rôle prophétique dans la société en avertissant, en interpelant, en dénonçant… mais pas seulement !... je vais y revenir plus loin.

    Jouer un rôle prophétique dans la société, c’est dénoncer les injustices et les manquements dans tous les domaines, s’élever contre toutes les formes de déshumanisation, contre la torture, la faim, les divers trafics d’êtres humains, la pauvreté, les processus volontaires d’exclusion et les nombreuses violences. C’est aussi être la voix passionnée de l’amour de Dieu qui pousse à la repentance.

    Celui qui entend jouer ce rôle doit incarner son message et susciter des signes. Il doit encourager une contre-culture. En écrivant cela, je pense à cet extrait de la prière de François d’Assise :

    « Seigneur… Là où il y a de la haine, que je mette l'amour.
    Là où il y a l'offense, que je mette le pardon.
    Là où il y a la discorde, que je mette l'union.
    Là où il y a l'erreur, que je mette la vérité.
    Là où il y a le doute, que je mette la foi.
    Là où il y a le désespoir, que je mette l'espérance.
    Là où il y a les ténèbres, que je mette ta lumière.
    Là où il y a la tristesse, que je mette la joie. »

    Enfin, le combat du chrétien dans la cité des hommes s’inscrit dans la non-violence active.

    Notre combat se refuse toute violence, c’est-à-dire tout acte qui fasse du mal, du tort à autrui. « La non-violence refuse aussi bien la violence physique que verbale ou psychologique. La non-violence ne veut pas le mal, la souffrance, la tristesse des personnes, car son moteur est la charité, la véritable charité qui désire le bien de l’autre. Comme le disait Martin Luther King : « La non-violence est une arme puissante et juste, qui tranche sans blesser et ennoblit l’homme qui la manie. C’est une épée qui guérit. »
    Pour un chrétien, la non-violence active est l’application de l’appel du Christ à aimer nos ennemis. Par la non-violence nous tendons l’autre joue, c’est-à-dire que nous sommes toujours en disposition d’accueil de l’adversaire. Car l’adversaire n’est pas seulement un adversaire, il est un homme […] La non-violence est donc une bienveillance absolue. » (Extrait d’un article publié par le blogueur Charles Vaugirard le 25 avril 2013, « Les Veilleurs de l’espérance », disponible à l’adresse http://charlesvaugirard.wordpress.com/2013/04/25/les-veilleurs-de-lesperance/)

    En conclusion

    Nous ne pouvons être indifférents à ce que notre civilisation occidentale, coupée de ses racines chrétiennes, risque l’effondrement. Les raisons sont manifestes : Quand la satisfaction des désirs quels qu’ils soient est prioritaire, les limites sautent les unes après les autres et cette absence de garde-fou nous mène au bord du précipice.

    Que de souffrances déjà ! Je pense à la jeune génération abandonnée sans repères car les parents ont eu honte de transmettre un héritage à leurs enfants. « Crise de la transmission ! » dit-on à juste titre. Que de vies désorientées !

    S’il est des combats à mener, que ce soit par amour ! Que ce soit pour nos prochains, pour nos enfants, pour nos petits enfants ! Que ce soit l’amour du Christ qui nous presse ! Et n'y allons jamais seuls.

    Face à la déferlante libertaire, je ne sais si nous assisterons à un effet balancier mais si tel était le cas, il pourrait amener davantage d’oppressions… Nous risquons d’être pris en tenaille entre le sécularisme fanatique et le retour à un ordre moral – par l’Islam intégriste par exemple.

    Pour notre part, gardons-nous de toute radicalisation dans nos positions, de tout extrémisme, qu’il soit spirituel, religieux ou politique ; ce qui n’empêche nullement de nous exprimer clairement et intelligemment.

    La résistance spirituelle consiste, et consistera de plus en plus, à être des signes d’espérance dans une modernité tardive marquée par les crises, la dérision et le désenchantement.

    Nous avons un avenir et une espérance (Jr 29 : 11). Cette espérance trouve sa source en Dieu, dans Son amour, dans Sa fidélité à Ses promesses.

    Dès à présent, nous goûtons les prémices, les arrhes de l’Esprit (Rm 8 : 23, 2Co 5 : 5), les puissances du siècle à venir (He 6 : 4). Le royaume de Dieu est au milieu de nous mais nous en attendons la plénitude ; nous attendons « de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habitera. » (2P 3 : 13). Nous aspirons à entrer dans notre héritage dont la marque sur nous du sceau du Saint-Esprit est le gage (Ep 1 : 13-14). Avec la création, nous gémissons… nous gémissons du fond du cœur ! Nous avons reçu l'Esprit comme avant-goût de la gloire, « en attendant d'être pleinement établis dans notre condition de fils adoptifs de Dieu par la pleine libération de notre corps. » (Rm 3 : 23, traduction Semeur)

    Quand d’autres se meurent « sans espérance et sans Dieu dans le monde » (Ep 2 : 12), nous soupirons dans cette tension entre le déjà et le pas encore. Notre espérance nous porte vers l’avant et donne sens à nos vies. Ainsi, « nous sommes conduits à poser, ici et maintenant, au milieu des aléas de notre existence en société, des signes d’un autre avenir, des semences d’un monde renouvelé qui, le moment venu, porteront leur fruit. »

    Je continue de citer Frère Roger de la Communauté de Taizé :

    Pour les premiers chrétiens, le signe le plus clair de ce monde nouveau était l’existence des communautés composées de gens d’origines et de langues diverses. À cause du Christ, ces petites communautés surgissaient partout dans le monde méditerranéen. Dépassant les divisions de toutes sortes qui les tenaient loin les uns des autres, ces hommes et femmes vivaient comme des frères et des sœurs, comme la famille de Dieu, priant ensemble et partageant leurs biens selon les besoins de chacun (cf. Ac 2 : 42-47). Ils s’efforçaient d’avoir « un même amour, une seule âme, un seul sentiment » (Ph 2 : 2). Ainsi ils brillaient dans le monde comme des foyers de lumière (Ph 2 : 15). Dès ses débuts, l’espérance chrétienne a allumé un feu sur la terre. » (Source : http://www.taize.fr/fr_article1080.html)

    Et nous ? Que ferons-nous ? De quelles manières vivrons-nous et manifesterons-nous, individuellement et en communauté, notre espérance dans ce monde plongé dans « l’effacement de l’avenir » ?

    De « nouveaux » styles de vie en église sont à inventer. C’est un défi car nos vies communautaires sont parfois pauvres, insuffisantes et superficielles. Elles ne peuvent pas se résumer au culte dominical si, toutefois, nous désirons encore interpeler nos contemporains.

    Au-delà des aspects structurels de nos assemblées chrétiennes, abreuvons-nous à la Vie du Christ. Il est notre joie et notre paix ; il est le Christ-Roi, le Christ vainqueur en qui nous puisons notre force (Ep 6 : 10) pour mener le combat dans la Cité des hommes.

    Psaume 46 (Extrait - Bible du Semeur)

    1 [...] Dieu est pour nous un rempart, il est un refuge, un secours toujours offert lorsque survient la détresse.
    2 Aussi, nous ne craignons rien quand la terre est secouée, quand les montagnes s'effondrent, basculant au fond des mers,
    3 quand, grondants et bouillonnants, les flots des mers se soulèvent et ébranlent les montagnes. Pause

    4 Il est un cours d'eau dont les bras réjouissent la cité de Dieu qui est la plus sainte des demeures du Très-Haut.
    5 Dieu réside au milieu d'elle, elle n'est pas ébranlée, car Dieu vient à son secours dès le point du jour.
    6 Des nations s'agitent et des royaumes s'effondrent : la voix de Dieu retentit, et la terre se dissout.
    7 Avec nous est l'Éternel des armées célestes ; nous avons pour citadelle le Dieu de Jacob. Pause

    8 Venez, contemplez tout ce que l'Éternel fait, les ravages qu'il opère sur la terre.
    9 Il fait cesser les combats jusqu'aux confins de la terre, l'arc, il l'a brisé et il a rompu la lance, il a consumé au feu tous les chars de guerre.
    10 “Arrêtez ! dit-il, reconnaissez-moi pour Dieu. Je triomphe des nations, je triomphe sur la terre.”
    11 Avec nous est l'Éternel des armées célestes. Nous avons pour citadelle le Dieu de Jacob.

    La partie qui suit a été rédigée par Eric LEMAITRE. Elle prolonge ma réflexion.
    Merci à Eric pour ses contributions et ses enrichissements.

    Comment vivre l’Evangile dans une époque radicalement déchristianisée, une époque qui s’abandonne à de nouveaux mirages, aux illusions de la postmodernité… une époque qui entre dans un processus de sécularisation évacuant toute référence au judéo-christianisme et qui se soustrait à l’influence de toute morale d’origine religieuse.

    Finalement, comment rendre notre message audible auprès de générations dont les repères ne seraient plus ceux communiqués par les cultures que les « gens » d’aujourd’hui associeraient au passé ou mépriseraient de par leurs références aux dimensions du Bien et du Mal ? Comment transmettre un message qui parait pour beaucoup comme suranné, périmé, dépassé dans de tels contextes ?

    Faut-il pour autant refonder la forme et les structures des églises pour mieux transmettre ?

    Faut-il nécessairement réinventer pour à nouveau reconquérir les cœurs de ceux qui se sont éloignés, influencés par la modernité, la facilité, la communication virtuelle, la relativisation ?...

    Faut-il adhérer aux idéologies d’inclusion pour laisser imaginer que la communauté qui fait sens est celle qui s’inscrit dans l’hyper-tolérance sans prêcher le changement de soi (la repentance) dans la perspective de renaître à une nouvelle dimension de vie ?

    Si les modes de vie sont en rupture avec ceux promus hier, notre christianisme n’aurait-il plus rien à communiquer à ce monde, n’aurait-il plus rien à communiquer pour autant ?...

    Je suis finalement frappé par les nombreux paradoxes conçus par une société dont les normes changent l’horizon de nos relations, s’évertuant à balayer d’un revers de main les héritages spirituels dont celui, NOTAMMENT, de construire des relations. Ils créent de surcroit de nouveaux mal-êtres, créent de profondes solitudes, déstructurent les rapports aux autres changeant la vertu des devoirs en devoirs (qui deviennent des obligations codifiées).

    La mission prophétique de l’Eglise ne devrait-elle pas, entre autres, remettre en valeur une perspective du salut de l’individu et des lieux communautaires qui accueillent ? La mission prophétique de l’Eglise n’est-elle pas de bâtir des lieux d’écoute via nos propres oreilles, de transmission de la foi via notre propre bouche, à rebours d’une civilisation qui ne communique que par les supports virtuels de la modernité ?

    La mission prophétique de l’Eglise n’est-elle pas d’associer relations et réconciliations, écoute et entraide…. Ce n’est pas moderniser qui devrait être l’enjeu pour l’Eglise, mais bien transmettre. Il faut redonner du goût à la dimension de l’authenticité, de l’être. Dans un monde déraciné et tellement inscrit dans l’irréel, le virtuel, l’absence de relations, l’Eglise doit faire que des hommes et des femmes se sentent aimés et reprennent goût à la vie. Nos églises devraient être encouragées à s’engager plus que jamais dans l’annonce, à devenir les lieux de la guérison et de la délivrance…

    Nos églises, perçues sans doute  comme des endroits de contraintes morales, ne devraient-elles pas être des lieux d’effervescence de la grâce ? En reconnaissant que Christ est le chemin, la vérité et la vie, tout devient possible…

    Le chrétien dans la cité est une manière d’y inscrire son identité par le témoignage. Cela renvoie à une dimension individuelle et collective, de ses rapports au voisinage par l’exemplarité de sa conduite, son amabilité sans faille, son écoute de l’autre. Dans la communauté, c’est sans doute sa capacité à donner de la visibilité et de la lisibilité à son témoignage ; mais c’est également la création de liens entre chrétiens dans l’espace urbain, la capacité à jeter des passerelles entre les assemblées, les églises chrétiennes dans leur diversité, pour susciter des rencontres de réconciliation ouvertes et dynamiques dans l’espace public. Pourquoi ne pas initier des lieux de prières permanents et accessibles à tous les citadins en souffrance, des espaces d’écoute et d’intercession ? Le sel hors de la salière, c’est nécessairement donner de la visibilité à l’Eglise avec un grand E, ne pas craindre de confesser publiquement, d’investir les territoires urbains pour diffuser au plus grand nombre et mettre en place « la sociabilité chaleureuse », mais une sociabilité qui transcende la dimension de l’accueil pour être dans l’annonce du message. Comme l’indiquait le nouveau Pape François, l’Eglise ne saurait être une pieuse ONG : c’est d’abord un lieu de conversion et de témoignage vivant, un lieu où l’on redonne une lecture de la famille que l’on ne voit pas, de la relation que l’on ne connait plus, de l’amour dans son essence qui est la charité. Chrétien dans la cité, c’est une identité à faire vivre et à partager…

     Interview d'Eric Lemaitre sur le rôle prophétique de l'église (Réalisée par Alain LEDAIN)


    [1] Elizabeth Montfort. Source : http://www.valeursactuelles.com/

    [2] Cette partie est inspirée du livre de Jean-Louis Harouel, « Le vrai génie du christianisme » publié aux éditions Jean-Cyrille Godefroy.

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  • Commentaires

    1
    Samedi 16 Février 2013 à 18:32
    Jocelyn Girard
    Pour un chrétien ou une chrétienne, voici un point de vue intéressant et une posture qu'il est relativement facile à adopter, au moins dans l'esprit. Merci Alain de chercher activement trouver le bon positionnement du croyant dans ce monde. Mais il me semble aussi qu'il faut travailler davantage à une posture qui nous amène à être, vraiment, "dans" le monde, avec lui pour lutter contre les injustices, devenir partenaires plutôt que des opposants. Sur le terrain des valeurs, les chrétiens doivent chercher avec les autres ce qui convient pour l'ensemble. Sur le terrain de la spiritualité, ils doivent montrer par leur vie qu'il y a plus grand que nous.

     

    2
    Vincent Rouyer
    Jeudi 21 Février 2013 à 10:02

    Je suis bien entendu d'accord Alain, cependant ce n'est pas une anthropologie biblique qui est attaquée mais la nature et le réel sur lequel tous peuvent se fonder croyants et non croyants. Ce projet de loi s'attaque à la raison et à l'ordre de la création avant de s'attaquer au judéochristianisme qui a construit notre civilisation et qui est actuellement le facteur de résistance le plus fort à ce projet de loi.

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