• Ne plus être qu'un numéro ?

    Foule anonyme

    Un article d'Alain LEDAIN en complément de celui sur Babylone

    Babel, telle que nous la présente le texte de la genèse (Gn 11 : 1-9), se caractérise par l’uniformité : uniformité de la pensée (« une seule langue et les mêmes mots » ou « une même lèvre avec peu de mots »)  et uniformité des êtres : les briques sont à l’image des hommes qui composent la ville. Et là où il y a uniformité règne l’anonymat et une profonde solitude qui en découle.

    Quel contraste avec l’Eglise qui, tel le temple de Dieu, est formé de pierres, de pierres vivantes qui s’édifient « pour former une maison spirituelle » ! (1P 2 : 5)

    Être une brique sortie d’un moule ou une pierre taillée ?

    Être une brique est assez facile : il suffit de se laisser porter par les courants de pensées dominants : s’abreuver des programmes de la télévision, ne plus être en éveil, laisser endormir nos têtes et nos cœurs par un divertissement incessant.

    En 1840, Alexis de Tocqueville écrivait déjà in De la démocratie en Amérique (tome II, quatrième partie, chapitre VIII) : « Je promène mes regards sur cette foule innombrable composée d’êtres pareils, où rien ne s’élève ni ne s’abaisse. Le spectacle de cette uniformité universelle m’attriste et me glace… »

    Être une pierre taillée est plus difficile : La taille peut être douloureuse. La pierre reçoit des coups, perd des morceaux d’elle-même. C’est pourtant le prix à payer pour ne pas devenir une brique anonyme perdue dans un univers de clones, un humain standard noyé dans la masse.

    Et c’est, si nous le voulons bien, le travail du Père céleste dans notre vie. Une autre image de ce travail de ‘perte de morceaux de soi-même’ est donnée par Jésus dans l’évangile selon Jean (au chapitre 15) : nous sommes des sarments de vigne que le Père émonde afin que nous portions encore plus de fruit.

    Si l’enfer est caractérisé par l’anonymat, par la défiguration, par des légions sans nom, l’histoire biblique nous révèle un Dieu qui appelle les hommes par leur nom :

    Es 43 : « 1 Ainsi parle maintenant l'Éternel, qui t'a créé, ô Jacob ! Celui qui t'a formé, ô Israël ! Ne crains rien, car je te rachète, Je t'appelle par ton nom : tu es à moi ! »

    Jn 10 : « 2 (…) celui qui entre par la porte est le berger des brebis. 3 Le portier lui ouvre, et les brebis entendent sa voix ; il appelle par leur nom les brebis qui lui appartiennent, et il les conduit dehors. […] 7 Jésus leur dit encore : En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des brebis. […] 11 Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. […] 14 Je connais mes brebis, et elles me connaissent […] »

    Ps 139 : « 1 […] Éternel ! tu me sondes et tu me connais, 2 Tu sais quand je m'assieds et quand je me lève, Tu pénètres de loin ma pensée; 3 Tu sais quand je marche et quand je me couche, Et tu pénètres toutes mes voies. »

    A l’inverse, lors de la délivrance du Gadaréniens, quand Jésus demande à l’esprit impur « Quel est ton nom ? », cet esprit reste dans l’anonymat en répondant « Légion est mon nom car nous sommes plusieurs. » (Mc 5 : 1-9) Ces esprits forment un tout, « un mur de briques », dont aucun d’eux ne semble identifiable.

    Or, nous assistons aujourd’hui à une refonte de l’humain au sens quasi-métallurgique : l’humain devient une masse où les êtres sont fondus, confondus, où les identités singulières s’effacent.

    Égaré dans les foules anonymes, l’homme a ce sentiment d’avoir perdu son nom, c’est-à-dire son identité et sa vocation uniques, et de n’être plus qu’un numéro. La perte d’être, la dépersonnalisation sont durement ressenties.

    La Bête de la mer du livre de l’apocalypse (Ap 13 : 17) a numérisé son nom : 666. En enfer, il y a perte du nom car perte de vie, perte de la conscience de l’être, perte du visage ; il y a passage du nom au numéro, à l’étiquetage.

    Une bonne nouvelle !

    L’antidote à ce tohu-bohu (cette confusion) des identités, c’est l’amour que Dieu déverse dans les cœurs par le Saint-Esprit. C’est dans l’amour, la relation avec Dieu et avec l’autre, que tout homme, toute femme retrouve une identité propre : « je suis quelqu’un de spécial, je suis aimé dans mes particularités, le Créateur de l’univers me connait. »

    Pour conclure ce bref article...

    Nos vies en église ne devraient jamais permettre à ses membres de se sentir perdus dans les rouages d’une organisation. Car là où il y a la Vie, là où règne le Christ, il y a des hommes et des femmes qui retrouvent un visage, une plénitude d’être, un nom, une destinée, un mandat.

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